Originaire de l’Ile de la Réunion, je commence à peindre vers 2010. Une perquisition me donne l’occasion de réfléchir longuement aux raisons pour lesquelles je me suis mis à faire du graffiti. De cette remise en question est né un projet intitulé Indéfini en 2018. Une thérapie créative publique, philosophique et désintéressée.
Cela me permet de créer des œuvres plus introspectives en extériorisant ce qui se cache dans mon inconscient. Je m’intéresse à la notion de paradoxe en réalisant des productions totalement naïves ou longuement préparées.
#1 Tous les vandales sont des artistes
Cette production marque le début de ma recherche. En 2015, je passe quelques mois à Paris. Je fréquente le marché aux puces où je trouve plein de cadres. L’idée me vient d’embellir le graffiti en encadrant les tags. C’est une manière de sublimer et de placer le vandalisme en haut de la pyramide des courants artistiques. Le désintérêt et l’engagement sont primordiaux dans l’art. Je ne dis pas que je suis artiste, je dis que tous les vandales sont des artistes, purs et durs. Dédicace au 974 qui est ma source d’inspiration principale avec les PRC, MOB, DKPEZ, SPK, TEA, AK, ABCK, OKF, 3HS, CPK, 34, DGNR, MMC, SPA, 3GC.
#2 Question mark
Le point d’interrogation est l’épicentre du projet. Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien. Je déteste les gens avec des certitudes. Ce throwup touche aussi bien la communauté du graffiti que le public en général. Il crée la surprise chez les passants et apporte une réflexion philosophique à ce projet. Peu importe la réponse, c’est la question que l’on se pose qui est importante. Il n’y a pas de train sur mon ile, alors je fais ce throwup sur tous les modèles que j’arrive à peindre.
#3 Nolens Volens
Fin 2017, je commence à entourer les recouvrements de différentes manières. Cela m’a immédiatement rappelé la mécanique du Nolens Volens initiée par Saeio et Rizote. J’ai transformé les effaceurs en artistes, avec un simple contour noir. Ces traits attirent l’attention sur le nettoyage systématique des tags à Bordeaux. Désormais, le cahier des charges de la ville pour les sociétés de nettoyages préconise une homogénéisation du buff pour éviter ce genre de paradoxe. Il en reste toujours quelques uns avec des formes stylées.
#4 Lâcher prise
J’aime taguer. Défouler mon énergie sur un train est un exutoire idéal pour ma thérapie. L’important, c’est d’avoir l’esprit clair et léger, de ne penser à rien, appuyer sur le cap et foncer en one line pour essayer d’en sortir un mot ou une forme proche d’une idée issue de mon inconscient. Avec quelques contre-formes pour recomposer la pièce, ça peut devenir esthétique. La naïveté et spontanéité du geste apportent une dynamique et un graphisme épurés de toute réflexion. L’important, c’est de le faire de manière désintéressée. Je tague donc je suis. Je préfère être qu’avoir. J’existe malgré toutes les amendes, les passages au cachot et plein d’autres problèmes… comme perdre ses caps.
#5 Composition minimale
La composition est primordiale dans mon travail. Une fois le sens de l’œuvre définie, c’est par là que je commence. J’avais en tête d’abstraire mon pseudo en réalisant un aplat de couleur, un end-to-end avec juste un contour. Cette composition minimaliste est pensée pour être subjective. Un pote l’a qualifiée de montagne. Je vois la même chose que lui.
#6 King Troll
Dans la nuit, j’ai échangé par erreur mes bombes rouges et noires alors que j’avais bien fait attention à séparer et retenir l’emplacement des couleurs. En faisant un King Troll, je me suis fait troller à mon tour. Ce geste involontaire rend cette œuvre bien plus profonde qu’elle n’aurait pu l’être. Depuis, j’ai récupéré une lampe torche.
#7 En totale improvisation
Avant tout, j’aime peindre. Peu importe le résultat, c’est le processus qui compte. Je travaille dans l’improvisation, j’utilise peu de couleurs avec lesquelles je compose régulièrement. Je ne fais pas tellement de pièces en couleurs, j’aime les images minimales. Je préfère avoir de l’impact en restant économique et rapide. Chacun y voit ce qu’il veut, parfois c’est esthétique, parfois non.
#8 Pas de temps pour les fioritures
Le chrome, c’est la couleur par excellence du graffiti. Il attire le regard en donnant une notion de luxe, d’imaginaire et d’exclusivité au support. Peindre un objet en chrome permet de le détourner de sa fonction. C’est une manière d’augmenter la valeur d’un objet. Le support est le message, je n’ai pas le temps pour les fioritures.
#9 Think out of the box
En se fixant des limites, des barrières et des règles, l’Homme oublie souvent qu’il est indéterminé contrairement aux animaux qui sont prédéterminés. Nous avons la chance de pouvoir imaginer une infinité de possibilités. Je maintiens cet esprit et diverge longuement sur une composition à faire sur une vieille maison créole en bord de plage. Mon pote trouve l’idée. Peu patient et spontané, je réalise cette illustration simple et minimale. Une bombe noire et le tour est joué.
#10 Symbole indéfini
Ce symbole reflète ma pratique du tag. Je marche constamment avec une bombe noire ou un marqueur en laissant ma trace sur mon chemin, comme un chien. Ce n’est pas plus compliqué qu’une croix en one line. Les CATS et la ferro ont dû réfléchir plus longtemps à leurs logotypes. On m’a même demandé si c’était eux.
#11 Lettrage abstrait
En recherche perpétuelle, je transforme mes lettres de manière naïve en gardant quelques codes du graffiti classique. J’abstrais mon blaze avec une ligne directrice et un code couleur sur une série. Ce panel épuré est plutôt lisible contrairement aux autres, ça fait une bonne pub.
#12 Black Peace
Le graffiti se trouve aussi bien dans l’espace public que politique. En tant que tagueur, j’ai l’impression d’extérioriser de manière créative le constat que je fais de la société. Je trouve ça encore plus frappant chez d’autres tagueurs. Bien que parfois engagé, je ressens le besoin d’apporter des solutions, être dans l’action plutôt que la réaction vis-à-vis des problèmes qui nous entourent. Amour à tous ceux qui soutiennent, participent et rendent ce projet possible.
Plus de photos d’Indéfini ici.