Je suis Seyar, et je viens de Hollande-Belgique-Allemagne-Italie-Espagne ! Pour moi, le Graffiti a commencé en 1984, voire même un peu plus tôt. Comme beaucoup d’autres petits hooligans de mon quartier, j’écrivais mon nom, ambiance punk avec des pseudos comme Huggy, Bosox, Phoenix… Déjà, les bombes de peinture étaient de rigueur.

Peu de temps après, Henk Pijnenburg a organisé la toute première exposition des pionniers du graffiti new yorkais dans ma ville natale : Blade, Crash et beaucoup d’autres avaient carrément fait le déplacement. Un catalogue de l’expo était sorti pour l’occasion, puis Beat Street et Style Wars sont passés à la télé… Tout d’un coup, beaucoup de nouvelles infos sont arrivées en masse sur le phénomène du graffiti, et dans la ville, les tags sont devenus des graffs avec remplissage, contour etc : le processus était lancé.

J’étais très jeune à l’époque, je n’avais que 10 ans… mais tous les weekends, le matin on vidait nos bombes, sur les murs d’autoroutes, ou dans les friches industrielles. Puis avec le collège, j’ai pu profiter d’un peu plus de liberté, et je me suis plongé encore plus dans ce qui me semblait être mon destin. Plus le temps passait et plus j’étais à fond. Je ne me suis jamais préoccupé d’envoyer des photos à droite à gauche, tout ce que je voulais, c’était défoncer ma ville. Celle-ci a moyennement apprécié : ils ont commencé par me donner cinq mois de prison ferme pour graffiti. Ils ont cru qu’il serait bon d’envoyer un gamin parmi les durs, pour lui donner une bonne leçon. Ca a parfaitement marché ! Du coup, mon implication dans le graffiti a fortement baissé car j’avais d’autres priorités… même si je faisais mon quota chaque année. Puis j’ai fini par prendre de très longues vacances, et maintenant depuis un premier whole car à Bucarest… je suis de retour !

#1 Premier whole car à Bucarest

Ca y est, le virus se développe à nouveau en moi .. premier whole car depuis vingt ans ! Alors que mon fils poussait pour faire du graffiti, par précaution je l’ai emmené faire quelques Halls of Fame, histoire qu’il relâche la pression, et aussi pour ne pas lui faire la misère comme avaient fait mes propres parents avec moi. Avec Ces53 nous avions un peu de temps pour faire un petit voyage à Berlin. J’ai embarqué mon fils, et fait escale chez Plague YCKB. Il avait organisé une action sur train, et tout était prévu pour que ça se passe bien. Du coup mon fils a rentré son premier whole car, à l’âge de 14 ans ! Un véritable rêve… On était chauds, et dans la foulée on a commencé à préparer un voyage à Bucarest, dans le but de n’y faire que des whole cars. On est partis avec 400 bombes. Lui avait le contact d’Erps, et moi d’Mser. Mais tout ne s’est pas vraiment passé comme nous l’avions imaginé. Dans tous les cas, Mser est devenu un ami proche depuis, et Erps est lui aussi un très bon gars, très pur. Bref on a traîné tous ensemble. Mais après mes très longues vacances, mis au ban de la société pendant de nombreuses années, tous ces noms ne me disaient pas grand chose. Après avoir vu les choses sur place de mes propres yeux, j’en étais époustouflé : Erps et ses multiples whole cars, tous mortels, Mser et son talent naturel, devenu le king du métro en un rien de temps… Dire que ce mec, pourtant un peu arrogant, a changé ma vie ! Avec un papa peintre et une maman femme de ménage, je viens d’un milieu ouvrier. Pourtant, je menais la grande vie, et gagnais beaucoup d’argent. Mais il m’a ouvert les yeux et j’ai réalisé que cette vie était fake, et que je n’avais pas besoin de tout ça. Comme dans le passé, un interrail, du fromage, des sandwiches, du salami, des yaourts et ça suffit ! Bref, j’ai passé sept jours à Bucarest et c’était épuisant. Enfin, j’ai pu rentrer un whole car. On a fini encerclés par trois mecs de la sécu. Ils veulent de la thune, mais ils n’auront rien. Ils sont là, posés devant moi avec leurs matraques, mais ne font rien. Je ne me laisse pas impressionner et ressort calmement du dépôt, ils ne nous retrouveront pas. On est en Avril 2018 : après vingt ans de pause, je suis de retour avec un premier whole car.

#2 Les Quatre Cavaliers de l’Apocalypse

J’avais déjà fait un whole car avec Deshamer un an auparavant. Je lui ai donc demandé s’il voulait qu’on remette le couvert. On demande à Ces53 de participer, et quand il est là, Machine n’est jamais bien loin. Nous avions l’équipe, restait à trouver le concept pour un whole train. On a donc choisi un des thèmes de prédilection de Ces53 : les Quatre Chevaliers de l’Apocalypse. Après avoir un peu bataillé pour trouver une thématique plus simple, Ces n’en démord pas. On fait cinq dessins différents, il va falloir choisir ! Politiquement parlant, le concept est lourd. On en a fait une vidéo :

Le jour de l’opération arrive. J’ai longtemps checké le plan les jours précédents, donc tout devrait bien se passer. Lorsqu’on arrive, je vois quatre graffeurs s’enfuir du dépôt en courant. Je siffle, mais ils sont déjà loin. Après un moment ils reviennent. Problème : ils avaient commencé à peindre le train que nous convoitions. On a discuté et nous sommes finalement parvenus à un accord avec Memzer et ses potes. On se met au boulot. Direct, une première échelle se casse, ce qui a pas mal compliqué les choses. Au final, j’aime le résultat. Le tout est peint juste avant que la crise du corona virus ne survienne, donc le timing est relativement optimal vue la thématique. Au final, c’est un de mes whole cars préférés; le fait de l’avoir peint aux côtés de Ces53, Deshamer et Machine lui donne encore plus de valeur à mes yeux. Ces53 et Deshamer sont deux des pionniers du graffiti en Europe, parmi les premiers à rentrer des whole cars en Hollande, Belgique, Luxembourg… mais aussi en Allemagne : les fameux whole cars Jack In the Box et Drum sur les vieux S-trains berlinois, c’était eux !

#3 PSK & Seyar

Ce jour était unique, je me rappelerai longtemps de cette session en territoire PSK, avec l’un des crew de graffiti les plus hardcore au monde. Ces mecs sont de vrais amis, et travaillent le système depuis plus de quinze ans maintenant. A vrai dire, au moins un train sur trois peint en Belgique, c’est du PSK ! Ca fait beaucoup… bref, j’ai une grande admiration pour eux. On a donc mis en place un projet ambitieux. Feeling de fou lorsque le train est arrivé ! Ambiance New York assurée, du Style Wars en Europe. Des couleurs partout, les passagers filment avec leurs smartphones… Les PSK donnent leurs lettres de noblesse au graffiti belge et personne ne leur arrive à la cheville.

#4 Noir & Blanc

Qui a dit qu’on ne pouvait rien faire de bien avec des block letters toutes carrées et que du noir et blanc ? En tout cas, j’en ai fait un concept pour une série de whole cars : déjà cinq au compteur. La Mad Maxxx a détrôné la classique peinture blanche au rouleau : il n’y a pas plus opaque et brutal que cette bombe ! Avec des recoupages à la Mega ou à la 94, le résultat est nickel. Je prépare un livre pour l’année prochaine, dans lequel je montrerai toute la série de whole cars. Je mets un point d’honneur à travailler sur des concepts un peu différents des autres, il faut de la nouveauté… mais pour parvenir à l’excellence, il y a un putain de taf.

#5 Mass Hysteria

L’hystérie de masse du Corona est là, et à mon avis on se fait complètement leurrer par les gouvernements. L’homme le plus riche du monde, avec son immense QI d’autiste et son trop plein d’argent, veut jouer au docteur Folamour. Il n’y a pas plus dangereux que lui à mon avis. Les gouvernements poussent à plonger la population dans le confinement, dévastant les économies de leurs propres pays… nos aînés, ceux qui ont construit et nous ont légué leur terre, sont abandonnés à leur triste sort, terrassés par un virus créé par l’homme… On ne saura jamais la vérité. La seule chose qui peut nous sauver, c’est une révolution. Bien sûr, il y a quelques contrôles aux frontières histoire de faire quelques belles images pour la télé. En Allemagne et en Belgique ils cherchent la drogue aux frontières, mais rien à voir avec le Corona à vrai dire… En 21 jours de confinement, on a rentré 21 whole cars ! Faites vos propres recherches avec des sources d’informations indépendantes, car tout ce qui est dit dans les journaux et à la télé n’est que pur mensonge. Regardez et jugez ! en attendant, j’ai fait cette nouvelle série de whole cars, et là encore on en a fait une vidéo [en intro de l’article NDLR] histoire de faire un peu entendre notre voix. Paix à tous !

#6 Double Trouble Mr. Whole Car

Mr. Whole car, c’est un surnom qui m’a été donné par des Italiens. J’aime bien, merci ! Sur cette photo, on aperçoit deux des trois whole cars que j’ai peints ce weekend-là. C’était la première fois que j’arrivais à rentrer deux whole cars en une seule nuit, dont un sur un train double-étage. C’était aussi mon premier avec des lettres droites. C’était un peu un challenge, car après avoir fait ce whole train avec des contours verts fluos, j’entendais dire que je ne serais pas capable d’en faire un avec des lettres bien droites et carrées. Bon, il n’est pas parfait, mais il est là ! Beaucoup d’autres vont suivre… A la base mes acolytes, Lutie et Bips, n’étaient pas convaincus : ils pensaient que la station était fermée et donc que ça ne tournerait pas. Au final on les a filmé en trafic. Ces mecs m’ont régulièrement aidé, sans eux j’en aurais jamais fait autant… ils méritent grandement que je les cite.

#7 Original AtomskiOne

Ce train était la deuxième tentative de faire une grande action commune. La première a échoué. Quatre mecs costauds, un whole car chacun pour un whole train final. Cette fois-ci, AtomOne, Besser et mon partner in crime Machine sont de la partie. Pour moi Atom, aux côtés de Ces53, Deshamer, Opak, Mason, Chintz, Seen et Lee, est une des raisons pour lesquelles j’adore tant les whole cars. A travers les magazines ou dans des voyages à Dortmund ou ailleurs, ces mecs sont mes héros de l’époque. Ils étaient les pionniers, et ce qu’ils ont fait était sans précédent. Je faisais aussi des trains, dont quelques whole cars, mais jamais de cette ampleur. Alors aujourd’hui, c’est bon de peindre avec certains d’entre eux, et je le vois aussi comme une forme de reconnaissance ultime. Le résultat de l’ensemble est impressionnant, mais ce n’est pas mon meilleur whole car : l’action était rapide et le concept pas facile.

#8 Concepts: Old Heroes, New Heroes

Les concepts, plus t’en fait, et plus il faut prendre garde de ne pas se répéter, et varier les sketches. Je suis old school donc je continue de tracer des esquisses, chaque jour : c’est la seule façon de vraiment se développer. La scène train de nos jours, consiste à répéter le même dessin cent fois avec des remplissages différents… Désolé mais avec tout le respect dû, ce n’est pas très excitant de feuilleter un album-photo dont la première page ressemble exactement à la dernière page. Il y a beaucoup de talents pourtant, et une fois qu’ils savent manier la bombe ils font du bon boulot, mais ils ne poussent pas à fond. Et puis il y a ce truc d’antistyle… juste le faire parce que je le peux. C’est fou parfois de lire des commentaires sur mes whole cars, ou les mecs osent me traiter de toy… J’adore ! Puis tu visites leur page Insta, et tu te roules par terre de rire. Ca me rappelle mon père (R.I.P), criant devant la télé sur les joueurs de foot pour qu’ils marquent des buts, et expliquant à quel point ils sont nuls de ne pas pouvoir rentrer la balle… mais il n’avait jamais joué au foot lui-même ! Ce whole car a été réalisé avec Mason à ma gauche, et Mser à droite. Un vieux héros plus un de mes nouveaux héros !

#9 Plus tu me toyes, plus je suis connu

Quatrième whole train cette année… avec des embûches inattendues, puisqu’on se l’est fait toyé en circu plusieurs fois d’affilée ! Je ne donne pas plus de détails sur cette action, qui a donné lieu à tout un tas d’embrouilles désormais résolues. Mser était avec moi, car nous devions partir ensemble à Berlin. Mais la voiture commençait à partir en couille, avec des voyants qui s’allumaient de partout. On s’est donc décidés pour rester dans les parages et peindre un whole train dans le coin. On me fait passer un avertissement : ne pas peindre de whole cars dans ce dépôt. J’essaye de rencontrer les mecs, mais pas moyen. On passe outre et on peint. Après une nuit à faire des métros à Rotterdam avec Tripl, retour en Belgique : les whole cars se font toyer pendant le trafic. Je répare les dégâts pendant la circulation et y ajoute une petite phrase : « Love 2 be hated ». Puis ça a continué de tourner, et les toys ont recommencé. Je me doutais qu’ils chercheraient à faire ça, donc on était prêts à contre-attaquer. On les a cherché sur la ligne mais on n’a trouvé personne, heureusement pour eux. Dès le lendemain, les mêmes mecs sans couilles nous toyent à nouveau. Des héros, avec une couronne de faux Kings sur la tête. Qu’ils fassent des whole cars, et ensuite on prend les dix meilleurs et on compare ! J’ai répondu à cette histoire avec une série de whole cars « Do not Cross Seyar ». Au jour d’aujourd’hui je ne sais toujours pas qui a fait ça, mais c’est mieux ainsi ! Ils ont eu leur heure de gloire au rabais. Au final ca m’a rapporté plus que ça ne m’a coûté : le train a été effacé depuis, mais ça a mis le focus sur mes peintures, et même apporté des opportunités. Bref j’ai mis tout ça dans un coin de ma mémoire, et un jour, même si je ne suis plus dans le game, la vérité sortira et nos chemins se croiseront.

#10 Training Days

J’avais une expo prévue à Milan avec Pongo, TKid170 et Mser. TKid est arrivé un jour plus tard, donc j’avais déjà rentrer un whole car sur un train double-étage. Le lendemain, on y retourne avec des amis italiens… sous une pluie battante, mais on ne restait que quelques jours sur place donc on était très motivés, on voulait rentrer rassasiés. Mon objectif : un one-man whole train de trois wagons. Je voyais ça comme un exercice de répétition, un entraînement pour un projet à venir beaucoup plus gros. Ca devrait être dans le futur livre « Tales From Belgium » que prépare Alias Press. J’avais promis à TKid qu’il ne rentrerait pas chez lui sans un whole car en poche. Au final, il a pu faire deux top-to-bottom’s, un whole car et cinq panels. Soixante ans et toujours dans la course, TKid est vraiment un Old School King. Le sang-froid, l’énergie, la motivation… Respect !

#11 The 4 Generals

C’est toute une histoire, mais je la fais courte, car je souhaite la raconter plus tard dans mon futur bouquin. Skeme de New York a habité chez moi pendant quelques mois. Il m’a donc accompagné pour mon voyage « 7 jours, 7 whole cars » avec Mser et Orus. Une belle tranche de ma vie. Il est rentré au bercail avec 14 trains et 2 whole cars. King Style ! Pour moi, les Kings ultimes de New York sont Skeme, TKid et Ghost.

#12 Partners in Crime

Ce whole train a été peint avec Machine, mon acolyte. Ensemble, on peint plus qu’on ne parle ! avec l’aide de Lutie, Bips, Gifgas, sans oublier ma femme Yzer, car c’est dur pour elle ! Elle ne comprend pas le délire, mais elle me soutient et c’est ce qui compte. Je ne peux pas expliquer qui sont les autres, mais le résultat est là et ensemble on écrit l’histoire. C’est épuisant, je le sens jusque dans mes os. Semaine après semaine, je pensais que mes muscles s’habitueraient… Mais pas du tout ! Je suis gros et vieux, mais motivé. Je n’aurai pas de seconde chance après ça. Lorsque cette année sera derrière, je pense que je passerai à un rythme de croisière de 12 whole cars par an… Mais d’un autre côté, il y a tellement de plans et de tentations ! Je garde un œil sur tout et la partie est loin d’être finie, avis aux haters. Et puis les haters sont aussi des fans, croyez moi… Je vous aime les gars, continuez de me détester !