1992. Sous l’influence des NBA, WCA, Arco, Ozer et d’autres grands de mon quartier, je commence à griffonner en écoutant Fear of a Black Planet des Public Enemy. Avec mes potes on allait régulièrement aux Ruines, un terrain abandonné, pour casser des trucs et faire péter des bombes de chlorate de soude. On y voyait déjà pas mal de graffs, donc je commence à m’y intéresser de plus près. Un samedi après-midi on arrive au terrain pour trouver deux gars en train de peindre un grand mur : Shun et Poch. Je prends ma première claque visuelle…
La rentrée scolaire de cette même année je rentre en CAP peintre en lettres publicitaires dans un lycée de Seine et Marne pas très loin de Meaux, où j’ai grandi. Poch et Secret venaient de finir leur dernière année, c’est l’hiver et je tombe par hasard sur le stock de bombes d’un gars qui était en train de faire la déco du réfectoire. J’emprunte un carton de six Sparvar : deux noires, deux rouges et deux blanche, et je fais mon premier Graff aux Ruines dans la foulée. J’avais les doigts congelés, avec cette sensation de picotement que je n’oublierai jamais. J’ai fait des persos rouge contour noir avec effets de lumière blancs. Ils avaient de grands nez, super influencés par la couverture du magazine 1Tox réalisée par Numéro 6, et par la page PCP de Paris Tonkar. Je me demandais comment ils faisaient pour faire des effets de volumes aussi réalistes.
1993. Je suis en seconde année et je rencontre Osta, qui vient de rentrer en première année. Connection directe via le Graffiti. Il deviendra par la suite mon binôme, avec qui je peins régulièrement.
1994. Je crée le groupe T?C avec mon pote Zutman. The Unknown Clan, en référence au Wu Tang Clan qu’on écoutait en boucle. On trouvait ça marrant de mettre un point d’interrogation au milieu des lettres. Hal, Clipo, Osta, Akte, Sexy et d’autres rentrent immédiatement dans le groupe. Peu de temps après, je sympathise avec Shun qui peignait régulièrement au terrain avec Poch, il nous raconte qu’il est en train de faire son service militaire en tant qu’objecteur de conscience pour la ville de Meaux car il ne veut pas aller a l’armée. Avec son chef, ils ont pour projet de faire une expo à ciel ouvert aux Ruines cet été. Ils nous demandent si on est chauds, sachant que la ville paie les bombes… On dit oui direct, un stock de bombes gratis pour le reste de l’année, ça ne se refuse pas ! On a passé toute le mois de juillet à faire des murs pour cette expo. Shun avait aussi invité les P2B ( Honet, RCF1 et Stak) et les DAM, plus des artistes locaux. On avait un bon stock de bombes chacun, on était les rois du pétrole. Plus besoin d’aller chez MJ Spray à Aulnay pour un moment !
1995. Premier train au dépôt de Meaux, petit gris entre deux wagons. Shun nous avait chauffé en nous montrant ses books de trains. Il était parti en InterRail en Scandinavie avec Honet et Poch. Les photos m’ont marqué : des panels sur les vieux trains bleus de Stockholm dont le fameux Honet avec Babar l’éléphant, les métros d’Amsterdam avec Mellie, un chrome avec Bates où ils sont enfoncés dans un mètre de neige… Plus tous les trains qu’il faisait en banlieue parisienne avec les MCS (Reno et Nise), Ryck, les SDK… Un régal !
1996. Je fais une pause d’un an car je suis envoyé à l’armée en Allemagne.
1997. Back dans le Graffiti Game…
#1 Boulets frites
En 1998, avec Osta on décide d’aller rendre visite à Hulk en Belgique. On prend le Thalys et Hulk vient nous chercher à la gare en voiture pour poser nos affaires chez lui. Sur la route, on aperçoit une femme qui essaye de relever un gars qui est couché face au sol dans un coin d’immeuble. Il y a une mobylette à terre, ils ont du faire une chute… Hulk ralentit pour regarder de plus près et se décide d’aller voir au cas où. La femme a l’air super bourrée, et le mec ne se relève pas. Elle hurle en mettant des coups de pieds dans les jambes du type à terre :
_ « Kevin relève toi !, Kevin !»
Hulk prend l’épaule du mec pour le retourner et là on découvre qu’il a la tête encastré dans la gouttière en métal suite à la chute. Un énorme jet de sang se met à gicler. Hulk commence les premiers secours, Osta et moi appelons les secours qui arrivent assez rapidement. Ils prennent le relais mais le mec a dû mourir tellement il y avait du sang partout. Hulk ,qui lui aussi était couvert de sang revient vers nous et nous demande si on veut aller manger un boulet-frite… Bah on avait pas très faim. Ça faisait quinze minutes qu’on était en Belgique, ça promettait !
#2 Inxs
En 1998 on part à Strasbourg voir Inxs, qui habitait la-bas pour les études. Dans la voiture on a Osta, Nitro SDK et Sae CLM, la future poucave du procès de Versailles de 2001. Arrivés sur place, Inxs nous dit qu’il a un bon plan en périphérie, mais il faut attendre la fermeture tardive de la station. Des TER rouge et chrome, j’adorais ce modèle ! En attendant, Osta et Inxs enchaînent les joints et les bières. J’ai le souvenir aussi d’un bang fait maison avec un bambou d’1,50m de long, et une douille d’un bon 12mm de diamètre… Un enfer le truc !
On arrive sur le plan, je les dépose près du dépôt et je cache la voiture plus loin. Le temps que je les rejoigne, ils avaient déjà rodé le plan. C’est l’heure de peindre… enfin presque. Osta plane tellement qu’il a oublié de prendre son sac de bombes dans le coffre de la voiture ! Il lui en coûte trente minutes de marche aller-retour. Après une heure de peinture et trois panels chacun, on a un triple end-to-end couleur. Les photos de jour le lendemain matin sont parfaites, le train n’avait pas bougé car c’était le weekend. Un plan sans accroc comme dirait l’autre.
#3 A’Dam
Je me retrouve a Amsterdam avec Taylor pour rendre visite a notre copine Simona de Rome qui habite là-bas. Le soir on connecte Jake AOD TFP pour aller faire une mission métro. Il nous donne rendez-vous pas loin du dépôt de Gein – ou Gaasperplas je ne sais plus trop… C’était en 1999. On est la avec Moon, Jake et quatre ou cinq mecs. Deux partent voir le dépôt et ouvrent le grillage à la pince monseigneur, pour pouvoir rentrer. A cette époque le grillage était déjà rempli de barbelés, avec au-dessus des lames de rasoir super-coupantes : impossible de passer par dessus et le seul moyen de rentrer était de faire une porte dans le grillage. J’ai entendu dire que les ALL de Norvège avaient creusé un trou à la main en dessous du grillage pour pouvoir passer, mais je ne sais pas si c’est vrai !
C’est parti, on rentre tous un par un et on commence à se placer devant nos wagons. On est tellement nombreux qu’on va finir avec un window-down whole train, ça peint une quinzaine de minutes, on prend la photo et tout le monde est dehors en très peu de temps. Je sais plus si c’est Jake ou Taylor qui est ensuite parti dans le buff pour faire les photos, le lendemain matin.
#4 Paris Saint-Germain
Dans l’année 2000 je rends visite à Sexy, à Marseille. Smole est du voyage également. Il y a une rumeur d’un métro qui dormirait dans un tunnel pas loin de la gare St Charles. Sexy a repéré une trappe qui donne dans les tunnels. On rentre. On marche un instant mais aucune trace du métro. Par contre on tombe sur un des quais de la gare St Charles, celui avec le décor de TGV orange peint sur le mur. On se regarde et on se dit que ça serait mortel de faire des pièces dessus mais pas nos vrais blases, ça craignait un peu. Du coup on a rien trouvé de mieux que de faire des PSG. En prenant soin de ne pas peindre la tête, qui était trop belle, on flingue tout le reste de la station avec des tags Anelka, ou Denisot qui était à l’époque le directeur du PSG. Le lendemain je reprenais le train pour Paris et il y avait un de ces bordel sur les quais de la gare… Quatre mecs en train de nettoyer au milieu de centaines de voyageurs qui prenaient leurs trains !
#5 Pressentiment
Début 2001, Osta, Dacya, Kofy et Bruce décident de faire le dépôt en tunnel à Porte de Montreuil, dans la nuit du Dimanche au Lundi. Ils me demandent si je veux me joindre à eux. Plan facile à quai : vingt-cinq minutes d’action pour cinq wagons : cinq one-man whole cars. Je suis chaud mais comme je suis le dernier arrivé dans l’histoire ils me disent que je dois peindre le premier wagon le plus proche de la station : en clair, si quelqu’un arrive je suis en première ligne. Là direct je suis moins chaud, j’ai une sorte de pressentiment. Ne sentant pas trop l’affaire je leur dis que je vais peindre avec eux mais pas sur le quai. Je préfère faire des panels sur l’autre train derrière, coté rail. Ils essayent de me persuader de peindre de leur coté pour pouvoir faire un whole train. Je le sens toujours pas, je reste sur mon idée de peindre de l’autre coté. On arrive sur place et on attend la ronde du maître-chien, on rentre par la trappe devant l’épicerie de nuit et là on surveille pendant un moment. Tout le monde se met en position devant son wagon, malgré les nettoyeurs en station… C’est parti pour le plein d’adrénaline !
Je fais un panel assez rapidement et j’enchaine le deuxième. De temps en temps je vais à la tête pour voir la situation dans la station. C’est plus calme car il n’y a plus les nettoyeurs. Je vais voir les autres de leurs coté pour m’assurer que tout va bien. Ils ont presque tous fini. Avec son caméscope, Bruce est en train de filmer Kofy qui danse devant son one-man, avec Osta qui rigole à coté. Dacya fume une clope et peint encore. Ambiance assez détendue ! Je retourne finir mon second panel, je range mes bombes et je sors l’appareil-photo pour shooter mes pièces. Par sécurité je vais à la tête pour revoir la situation et là je distingue une sorte de mouvement dans le noir près de la station. Je reste figé une minute à essayer de comprendre ce qu’il se passe. Je vois la silhouette d’un GPSR qui passe devant une lumière dans le tunnel, ils arrivaient tout doucement sans faire de bruit pour nous faire un guet-apens. Je crie « ça déboule, ça déboule ! » pour prévenir les autres qui ne se doutaient pas ce qui se passait. Val-ca dans le tunnel, ça court et ca crie fort de partout ! Osta arrive le premier à la trappe et l’ouvre, je suis juste derrière lui, les autres arrivent avec Kofy qui ferme la marche. On est dehors en trois secondes et on va directement à la voiture pour changer de périmètre. Kofy qui était sur le wagon à côté de celui que j’étais supposé peindre me dit que quand il a entendu mes cris il a regardé du coté du tunnel et a vu deux GPSR qui montaient sur le quai à vingt mètres de lui. C’était de justesse ! Je demande aux autres s’ils ont eu le temps de prendre les photos et comme moi ils étaient sur le point de le faire. Résultat, quatre whole cars et deux panels finis, mais pas une seule photos… Juste Bruce qui a filmé pendant l’action.
On décide d’aller les prendre en trafic le lendemain. Le lundi matin on est sur la 9, les autres d’un côté du quai et moi de l’autre. Heure de pointe, je vois mon métro qui arrive, je sors mon Olympus Mju et au moment d’appuyer sur le bouton j’entends des cris : des GPSR étaient à l’autre bout du quai. Je ne sais pas si c’était lié à la nuit dernière mais je prends la photo et je cours le plus vite que je peux. Je préviens les autres une fois dehors, que des GPSR venaient de me courir après. Ils se séparent et vont dans d’autre stations. Ils attendent presque toute la journée que leur métro sorte, mais sans succès. J’ai dû partir travailler et c’est la seule photo que j’ai de mes deux pièces. Au final si j’avais peint le cinquième wagon comme ils le voulaient, je ne sais pas si je serais passé au travers. Ce pressentiment que j’ai eu m’a sûrement évité au bon sautage !
#6 Clé chinoise
Un jour de 1999 avec Osta et Dacya, on pète le cadenas de la trappe du rond-point de la porte des Lilas, sur la 11. Osta et moi passons par le quai puis par le tunnel jusqu’à la trappe accompagnés de notre chère pince monseigneur, tandis que Dacya était resté dehors pour nous aider à tenir le cadenas. On met presque trente minutes pour le couper, dès que c’est fait on sort et on va acheter un nouveau cadenas dans le premier magasin de bricolage venu, afin de remplacer celui que l’on avait coupé. On en trouve un de marque chinoise, pas trop cher mais assez costaud. C’est ainsi qu’on a surnommé ce plan la clé chinoise : il y avait trois clés, une chacun ! Pendant deux ans on l’a donc fait régulièrement, ça marchait pas mal entre le départ du maitre-chien à l’ouverture de la station et le début du trafic, on avait vingt à vingt-cinq minutes pour peindre. Les modèles de la ligne 11 sont d’ailleurs super beaux avec leurs pneus.
Juin 2001 on décide de le faire avec Osta, Dacya et Sexy qui était sur Paris. On est un peu à la bourre car on venait de faire la 13 à Carrefour Pleyel, mais on décide de le faire quand-même.
On attend que le maître-chien parte et on descend directement pour peindre, le métro était dans un tournant et je suis le plus a gauche du groupe. Pris dans ma peinture je ne capte pas qu’un métro arrive vers la station sur le rail ou j’étais. Je le vois au dernier moment, les autres l’avaient déjà repéré et avaient traversé pour se mettre dans la niche. Comme le métro approchait assez rapidement je n’avais pas le temps de traverser sans risquer de me faire percuter. Je décide donc de me mettre en dessous du métro que j’étais en train de peindre. En enjambant le troisième rail, le métro ralentit dès qu’il me voit et passe doucement a mon niveau en klaxonnant… il y a plein d’étincelles et des arcs électriques tout autour de moi. Je me demande ce que je fais là et si je vais mourir dans les prochaines secondes ! Ce furent les dix secondes les plus longues de ma vie. Le métro passe, je remballe mes bombes et je sors directement. Je ne finis même pas le tag que j’étais en train de faire sur le pneu avant que le métro arrive. Pas de dédicaces, pas de groupe et même pas de signature. Les autres finissent et me rejoignent dehors, on file à Châtelet prendre les photos de circu. Les autres continueront à faire ce dépôt en panels mais sans moi : je refusais de retourner sur les rails de circu. Je l’ai quand même refait une fois en one-man avec Osta et Dacya, mais de l’autre côté, à quai.
#7 Train Mon Ami
En 2001 on a la visite de Robot et Astro des TMA de Liège. Avec Osta on décide de faire le dépôt de Torcy sur la ligne A du RER. Il y avait la bas le fameux backjump en gare, les hangars du buff et plus loin un quai métallique, avec rarement un RER stationné la nuit . On appelait ce plan Auschwitz, on leur donnait toujours des noms de codes pour parler au téléphone. Celui-là avait hérité de ce nom à cause des grillages, des barbelés et des lumières partout.
On se dit que c’est bien d’essayer de le faire avec les belges s’il est là… Les trains ne sont pas garés là souvent, car à chaque fois que ça arrive ils se font détruire. Osta appel Keobs et Bruce pour qu’ils se joignent à nous. Le soir même avec les belges, je passe en voiture chercher Osta chez lui car il habite juste a coté. Bruce arrive en RER de Paris… Et Keobs nous dit qu’il arrive en scooter de Paris également. On était cinq déjà dans la voiture et pour bouger à six c’est un peu compliqué si on veut être un peu scred. Tout le monde est la sauf Keobs… On l’appelle, il nous dit qu’il a une galère mais qu’il arrive. Pendant ce temps on va rôder le dépôt. Par chance le train est là, en pleine lumière mais bien là. Peu de temps après Keobs arrive enfin, il nous raconte que son scooter est un 50cm3 et que la police l’a intercepté sur l’autoroute. Au lieu de lui mettre une amende ils l’escortent jusqu’à la première sortie d’autoroute. Les mecs lui font la morale à cause de la sécurité mais ont été sympas au final.
L’équipe est désormais au complet, on se gare dans le champs juste derrière. Je prends ma pince monseigneur et avec Osta on coupe les barbelés pour faire une porte. Je mets un sac en plastique en haut du grillage pour qu’en cas de coursade on repère facilement le trou pour pouvoir s’esquiver. On entre et on va directement sur la plateforme métallique. Les TMA ne connaissant pas le plan, on les met sur le premier wagon. Osta, Bruce et moi sur le deuxième wagon, et Keobs tout seul sur le troisième. Trente minutes plus tard, on était dehors avec un double whole car avec nos noms de groupes, plus un top-to-bottom de Keobs. On a attendu les photos de jour et par chance il est venu se parquer dans le buff qui était vide car tout les trains étaient partis en trafic. Photos parfaites avec en guest le maitre-chien qui marche le long du train ! Sur le whole car des belges, une dédicace pour CAS TMA, qui venait de décéder. R.I.P. CAS TMA.
#8 Cabrones
Eté 2001, on part de Paris en train avec Sexy et Zut, direction le Sud… Arrêt à Montpellier pour voir SE1 et Smole. Petit TER dans la nuit, photo de jour a la gare de Montpellier… Parfait ! Puis on décide de louer une voiture pour aller passer quelques jours a Barcelone, mais sans Smole qui ne pouvait pas. On a le coffre plein de bombes. Direction l’Espagne, petit stop sur la route à Maçanet et Mataro dans la même nuit pour faire les fameux trains miroirs : les Cercanias. On arrive à Barcelone et on rejoint Honet et Stak, qui sont chez Sixe. Sur la terrasse, on boit et on joue au duro. Honet nous dit qu’il y a une sortie ce soir avec les BTS dans un dépôt. C’est à ce moment-là qu’on entend un bruit de vitre cassée… Directement on pense à notre voiture en bas, avec nos affaires dedans. On se penche pour regarder et on voit des petits de dix ans qui passaient leurs mains à travers la vitre arrière cassée pour essayer de chopper quelque chose. Sixe hurle un truc en espagnol qui les fait fuir. Les vacances à Barça commencent bien !
Plus tard dans la soirée on part à trois voitures pleines à craquer, pour aller peindre. Dix espagnols plus nous, ça va être carnaval ce soir ! La vitre arrière étant toujours cassée, Zut propose de rester dormir dans la voiture pour ne pas qu’on essaie encore de nous voler. On arrive a Manresa. Là-haut de la montagne, vue imprenable sur le dépôt avec deux Cercanias bout-à-bout en station, mais il y a des nettoyeurs en bout de quai qui fument des clopes et qui papotent. On se dit qu’ils vont partir mais après une heure d’attente, Nice perd patience et descend les voir. Il propose de leur donner un bout de shit s’ils retournent dans leurs cabanes pour un moment. Marché conclu ! Tout le monde se prépare et on descend de notre montagne, on commence a flinguer les trains avec une pièce chacun. Je finis assez rapidement et je commence une deuxième, car certains étaient loin d’avoir fini. J’attaque les contours quand une loco arrive sur le rail où l’on peignait. Première réaction des espagnols : jeter directement des cailloux sur les cheminots, au lieu de les laisser passer et de retourner finir rapidos… Les cheminots sortent des bâtons, et une bataille d’insultes commence de part et d’autre : cabrones, hijo de puta, maricón, j’en passe et des meilleures ! C’était fou, les mecs hurlaient à la mort. Pendant tout ce raffut un des cheminots avait dû appeler la police, car cinq minutes plus tard on entend les sirènes se rapprocher à grande vitesse. Ils arrêtent de jeter des pierres et on remonte dans la montagne pour se mettre a l’abri. D’en haut on voit la gare encerclée de voitures de police, qui tournent non stop avec les gyrophares. Obligés d’aller se cacher encore plus loin dans la montagne… On a passé le nuit en short, morts de froid à attendre le départ de la police. On appelle Zut qui vient nous chercher et retour à Barcelone pour prendre les photos en trafic. On est resté trois jours avec la vitre cassée, en alternant la garde de la caisse pour aller à la plage…
#9 11 Septembre 2001
Fin de l’été 2001, avec Osta et Bruce on prévoit d’aller rendre visite à nos amis londoniens, les STD, pour aller peindre des trains et des métros. Le Tube nous rendait fou, avec sa forme très spéciale. Départ le Jeudi 20 Septembre à 10h30 de Gare du Nord. On était chauds-bouillants car j’y étais déjà allé trois ou quatre fois seul, et ça s’était super bien passé. On se donne rendez-vous 1h30 avant le départ du train pour pouvoir passer les contrôles tranquillement. C’était quelques jours seulement après les attentats du 11 Septembre à New York, et on s’était dit que les contrôles de douanes allaient être chauds. J’arrive à l’heure frais comme un gardon, Osta arrive juste après moi mais aucune nouvelle de Bruce. On essaie de l’appeler sur son portable, pas de réponse. L’heure tourne et on commence à faire la queue pour passer les contrôles mais toujours sans lui. Je passe le premier aux rayons X avec mon sac plein de bombes, et là le flic devant l’écran commence a s’affoler , il hurle dans la pièce « ils ont des bombes, ils ont des bombes ! ». Instantanément on se retrouve encerclés par une dizaine de flics. Le douanier qui était devant l’écran arrive près de nous et commence à balancer sur un ton de la rigolade « ils ont des bombes de peinture, c’est des bombes de peinture, rien de grave ! »
Ce petit rigolo avait fait sa blague de la journée, il était fier de lui . Les douaniers, sur un ton assez menaçant, nous demandent d’ouvrir nos valises, on avait trente bombes chacun histoire de passer un cool week-end à peindre. Directement je me dis que c’est la merde et qu’ils vont tout nous prendre.
_« Pourquoi vous avez des bombes? »
_« On est des artistes monsieur, on va faire une déco dans un magasin. »
_« rien d’illégal ? »
_« non monsieur, on va travailler. »
_« très bien circulez ! »
Nous voila dans le Thalys en direction de Londres, mais toujours sans nouvelles de Bruce. On l’appelle encore et encore .. sans succès. inquiétant, car ce n’est pas son habitude de faire le mort comme ça. On arrive a Londres, on connecte direct Puno et on va peindre pendant trois jours et trois nuits non-stop.
De retour à Paris le lundi on appelle Bruce, ça décroche et là il nous raconte que le matin du départ, la brigade de Gare du Nord était venue faire une perquisition chez lui : il venait de passer 72 heures en interrogatoire. Ce matin-là ils ont attrapé presque tous les CLM, et c’est là que les histoires ont commencé pour les graffeurs de trains de France. Ça s’est terminé par le fameux procès de Versailles, sept ou huit ans plus tard.
#10 Bucharest Vampires
En 2003 on est en Interrail dans les Balkans avec Honet et Dacya. On a fait l’Autriche, la Hongrie, la Bulgarie, la Serbie et la Roumanie. Dans le train couchette de nuit au départ de Budapest on a une cabine à trois, le contrôleur tique un peu sur nos billets un peu chelous mais ça passe. Juste après c’est l’armée qui nous fait un contrôle assez musclé, ça passe aussi malgré les sacs remplis de bombes.
On vient juste de traverser la frontière et le contrôleur vient nous voir pour nous prévenir que des roumains endorment les gens avec un gaz pour les voler dans leurs cabines pendant leurs sommeil. Il nous conseille de fermer la notre avec un cintre plié pour faire office de cadenas. Super l’ambiance !
Au petit matin on arrive a Bucarest sans problème, on trouve un hôtel a coté du dépôt et on se chauffe direct pour aller peindre. Du quai on saute sur le rail jusqu’au bout du tunnel où les métros son parqués. Après un petit rôdage on décide de peindre à quai car il y avait un peu de mouvement de l’autre côté. Le seul problème c’est la présence d’une barrière juste devant le métro. Ne connaissant pas le dépôt, on décide quand même de le faire à cet endroit. Une fois les pièces commencées je regarde Honet à ma droite et je vois qu’il est en train de faire un panel window. Putain j’suis dégoûté car je suis en train de me faire chier a contourner la barrière pour faire mes lettres, résultat elles sont complètements difformes. Je galère pour mes contours, je suis saoulé. On retourne les deux jours suivants mais cette fois on peindra entre les métros…
#11 Berlin Calling
Printemps 2004, je fais un Interrail d’un mois tout seul en Europe de l’Est : Allemagne, République Tchèque, Pologne, Lituanie et Lettonie. Sur le retour, je dois faire une halte a Berlin pour une nuit et je vais voir mon pote Mr.Ix. Il me dit qu’il y a un plan métro à faire après le départ de la sécurité et avant le trafic. On se prépare, on rentre par une trappe, on marche dans le noir complet pendant presque cinq-cent mètres, pour finalement arriver sur le plan. Inspection du dépôt, R.A.S. !
On commence les panels et là on entend le bruit d’un métro qui arrive vers nous. On était en retard car le trafic avait déjà repris. Résultat on se cache pendant qu’il passe. Je me mets devant la tête et et demande à Mr.Ix de prendre une photo. On retourne sur le coté du métro et on s’apprête à prendre les pièces, lorsque la sécurité déboule en hurlant. Le métro qui est passé avait dû sentir l’odeur des bombes et appeler la sécurité, qui ne devait pas être loin. On se prend une des pires val-ca de ma vie, courir le plus vite possible sur les rails, sans lumière et avec la sécurité au cul… Horrible. Par miracle on a réussi à s’en sortir tous les deux, mais sans photos des pièces exceptée celle devant la tête… Moralité, toujours prendre les photos des pièces avant de faire les malins sur les têtes !
#12 Avant la crise
Juste après les Jeux Olympiques de 2004 on va a Athènes avec Dacya, Taylor, Honet et Sexy pour faire le métro. La Grèce a mis le paquet sur la sécurité pendant l’évènement et on se dit que c’est bien d’arriver une fois le tout terminé. Malheureusement il y avait encore les Jeux Para-Olympiques dans les semaines à venir. Et ça on avait pas prévu…
Sécurité maximum avec des gars partout qui font des rondes. Le dépôt du port est impossible à faire, la sécu est assise sur une chaise 24/24 à la tête du métro. On connecte Nato et Poof des UDK et ils nous parlent d’un plan à quai organisé, mais la trappe est sur une avenue près d’une borne de taxi. Un peu relou… On essaye de rentrer deux nuits de suite sans succès. A dix c’était super tendu de rentrer rapidement sans que personne ne nous voit.
La 3ème nuit est la bonne, on fait un quasi whole train avec 6 wagons peints. Taylor et Honet font un whole car couleur à deux; Dacya et moi un one-man chrome chacun, et les UDK s’occupent du reste. Photo du toit du métro d’en face, puis on s’éclipse. Le lendemain on essaye d’avoir les photos en trafic mais on arrive trop tard. Il est déjà nettoyé quand on arrive au buff. Il y a encore les nettoyeurs qui rangent le matos sur le quai… La poisse ! On découvre quand même que ce buff est un nouveau dépôt tout neuf et on voit une brèche pour pouvoir le peindre. Le lendemain midi avec Dacya et Taylor on va voir s il y a moyen de le faire. C’est agité mais possible si on reste discret. On rentre un panel rapidos… C’est le dernier de ma vie sous le nom Turn.