Je suis d’origine italienne et ça fait déjà un moment que je m’intéresse à la photographie. J’ai sorti en 2015 mon premier livre, Un train peut en cacher un autre, qui rassemble une grande partie de mon travail sur la période 2005-2015. Il y a presque 200 photos à l’intérieur et évidemment beaucoup de souvenirs et d’aventures vécues avec mes amis. C’est un peu comme mon album de famille.
Cette fois, je présente un projet plus restreint qui regroupe des clichés de 2015 à 2017, en noir et blanc, intitulé Down in a hole. J’ai choisi de ne pas utiliser la couleur pour avoir un rendu plus froid et brut comme le « fond d’un trou ». Down in a hole représente ce qu’est le monde du graffiti sur trains pour moi : une dimension ignorée de tous dans laquelle on se sent bien, un peu comme un animal dans sa tanière.
#1 Girlfriends
À Catane, la compagnie de métro sicilienne a bien compris que les graffeurs avaient une relation particulière avec les métros, un peu comme si c’était leurs petites copines… Du coup, elle s’est dit que pour leur faire plaisir (la compagnie de métro aime les graffeurs), elle allait donner à certaines rames des prénoms de filles : Norma, Beatrice, Elvira, Zaira. Je suis sûr que l’histoire de l’hommage à Vincenzo Bellini et ses héroïnes d’opéra est une légende inventée de toutes pièces.
#2 Double end to end
C’est un dépôt très connu au sud de l’Italie. Pour être plus tranquille ce soir-là, un copain faisait le guet ce qui nous a permis de faire deux end to end avec deux personnages rigolos. Mais le mieux, c’est que là-bas, on les voit passer le long de la mer, un spot parfait pour les photos souvenirs.
#3 Camping-car
C’était la fin de l’été, un copain m’envoie un message en me disant qu’il n’était pas loin d’où j’habite et qu’il voulait venir me rendre visite pendant quelques jours. Il voyageait avec deux amis dans un vieux camping-car des années 80. Ils se sont installés pas loin de chez-moi sur une petite plage au bord du fleuve. Je crois que c’était la première fois que je raccompagnais quelqu’un dans son camping-car après avoir peint.
#4 Jamais vues
J’ai d’autres photos de cette action, inédites, jamais vues… elles sont sur une pellicule photo. Chargée dans mon appareil photo qui se trouve dans un lieu que personne ne connaîtra jamais car le lendemain soir je me le suis fait voler.
#5 Train shake
Cette photo a été prise pendant un backjump : fin d’après-midi, le train s’arrête un peu moins de dix minutes. Cette fois-là tout s’était bien passé contrairement à la fois précédente. Au même endroit et au même moment, on était en train de peindre quand le conducteur à commencé à « shakerer » (on a appelé ça comme ça) le train en faisant des petits mouvements en avant et en arrière pour nous empêcher de peindre. Comme il a vu que ça nous empêchait pas de finir nos pièces, il est descendu du train, a traversé la voie et est venu de notre côté pour mieux nous voir. On a terminé rapidement, en sortant on l’a vu au téléphone, certainement avec la police car il nous fixait avec un regard menaçant. Je crois qu’il n’aime pas les backjumps.
#6 Easy wholecar
Ce soir-là, on s’est rendu compte une fois entrés dans le dépôt qu’un wagon était déjà totalement peint. C’était quelque chose qui ressemblait vaguement à un wholecar mais sans l’être tout à fait. Il n’y avait pas de lettres, au milieu c’était vide, un peu comme s’ils avaient fait que le fond. Au début, on a pensé qu’ils avaient dû s’enfuir et que ce wholecar n’était pas terminé mais après une courte observation, on a compris que le truc était bien fini et qu’il s’agissait d’une « œuvre conceptuelle ». En tout cas mon copain n’était pas content de voir ça dans son dépôt et il a vite décidé de remplir le centre du wagon avec plein de flops et d’utiliser le fond qu’il y avait déjà pour faire son propre wholecar.
#7 No Stop
J’aime bien quand quelqu’un écrit « No stop » à côté de sa pièce. Ça veut tout dire : on s’arrêtera jamais !
#8 Caméra de surveillance
Ce soir-là, on était quatre dans une voiture en direction d’un dépôt assez éloigné. Pendant qu’il conduisait, notre ami nous montrait une vidéo qu’il avait fait avec son téléphone portable. Il avait filmé l’écran de la caméra de surveillance de son magasin. Sur les images on le voyait discuter avec un client tellement longtemps qu’une queue commençait à se former devant la caisse. Puis d’un seul coup, notre ami disparaissait de l’écran pour réapparaître de l’autre côté de la caisse, prendre l’homme avec qui il parlait par la veste et le pousser au milieu des autres clients jusqu’à la sortie. La vidéo n’avait pas de son mais notre copain nous rejouait la scène avec ses talents de comique et nous avons tellement ri que nous n’avons pas vu passé le voyage.
#9 Pause sandwich
Ce jour-là, avant de réussir ce plan, on en avait tenté un autre pendant l’après-midi. On n’y croyait pas beaucoup car dans le dépôt il y a toujours un vigile, quasiment 24h/24, 7j/7 mais on voulait essayer quand même. On est entrés sans rien sur nous pour voir s’il était à son poste. Une minute après, il est sorti et nous a demandés ce qu’on faisait là en nous informant que l’accès était interdit. Il était plutôt sympa et je crois qu’il était un train de manger un sandwich car il avait quelques miettes autour de la bouche.
#10 Lunettes de soleil
C’était une belle journée ensoleillée de février. On était partis pour faire un plan en début d’après-midi. J’ai adoré le look de mon copain ce jour-là : gilet jaune, casquette noire mais le mieux c’était ses lunettes de soleil. Quand, après avoir développé les pellicules photo, je lui ai posé des questions sur ses lunettes « has been », il m’a dit qu’il les avait trouvées chez lui dans un tiroir au moment de son emménagement.
#11 Double decker
Je trouve que la tête de ce train n’est pas mal du tout. Il y a dix ans, si on trouvait ce modèle en arrivant dans le dépôt on se disait: « Oh nan… le double decker… » Avec l’arrivée des nouveaux modèles, on commence de plus en plus à apprécier des trains qu’on n’aimait pas trop avant.
#12 Jumelles
C’est la photo de couverture du livre. Je l’ai choisie car en ce moment, mon ami a pris l’habitude de contrôler attentivement le dépôt avant d’y aller. Il utilise ces jumelles pour voir les trains et les alentours depuis une colline. Le soir où j’ai pris cette photo, on était six, tous cachés au milieu des arbres. C’est vrai que cette cachette n’est pas mal pour regarder les trains et en plus personne ne peut la voir car elle est un peu plus bas que la route. Il faut juste passer par-dessus une petite rambarde et descendre sur quelques mètres. Si facile d’accès qu’apparemment, ce jour-là, quelqu’un était venu y faire ses besoins et évidemment, dans le noir complet, aucun d’entre nous n’avait vu où il mettait les pieds… Avant de le comprendre, on a quand même passé un petit moment à s’accuser les uns les autres d’avoir lâché un pet dégueulasse.
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