A Belgrade, capitale serbe ravagée par la guerre des Balkans à la fin du 20ème siècle, le graffiti sur trains émerge au début des années 2000. Jeans fait partie de la première génération de graffeurs à s’être intéressée au Beovoz, le réseau régional de transport public de la capitale serbe.
Par manque de moyens, les rames ne sont jamais buffées et circulent entièrement peintes, obligeant les graffeurs à repasser régulièrement des pièces pour voir leurs noms circuler, déclenchant au passage quelques conflits. Après une période d’inactivité, Jeans fait son retour dans les dépôts de Belgrade et livre un testament…très personnel.
J’ai été piégé à Belgrade pendant sept ans. Je suis mort depuis longtemps, hantant la vie comme un fantôme. Je pleure et je prie Dieu pour qu’il me sauve et qu’il me prenne dans ses bras, mais j’ai besoin de ton aide. J’ai besoin de ta force pour me sortir de l’obscurité, parce que c’est de ta faute si j’en suis arrivé là. Je te montrerai ce qu’il faut faire pour survivre. C’est le moment de la dernière bataille à Belgrade, reste fort, nous sommes ensemble. Je crois en toi. Tu dois te battre, tu dois me sauver.
Belgrade est une ville où la lutte est quotidienne. Dès que tu es dans la rue et que tu joues avec des trucs avec lesquels tu ne devrais pas, tu deviens une cible. Si tu fais chier la mauvaise personne, c’est foutu. C’est aussi simple que ça. Comme partout ailleurs, chacun veut sa part du gâteau, peu importe ce que tu fais dans la rue. Si tu te promènes, tu es sur la ligne de front.
La scène graffiti a ses propres règles, mais même avec les graffeurs ce n’est pas toujours clair. Ça devient confus pour moi, mais cela ne change pas grand chose. Les graffeurs peignent, ils se font leur propre guerre. Souvent je me demande où j’en suis, si le conflit peut avoir une fin, s’il y a un vainqueur. A Belgrade, j’ai de nombreux frères d’arme, mais je suis solitaire, je mène mes propres combats. C’était un plaisir de peindre à Belgrade, j’y ai beaucoup appris.
Quand j’ai compris que j’étais mort, que j’avais été éliminé, j’ai réalisé que j’étais un fantôme enfermé dans la prison invisible de la ville. J’étais comme enterré vivant, jusqu’à ce que trouve la force de retrouver mon chemin. J’ai su que c’était le moment de ma victoire. La guerre est finie. J’ouvre les yeux et je suis encore en vie, le Seigneur est à mes côtés.