Affiches dans le métro, boites aux lettres, panneaux, poubelles… qu’importe le spot, difficile de passer à côté de Spark dans les rues de Paris. Sa spécialité : les tags dégoulinants à l’encre noire.
Rencontre avec le tagueur compulsif à la terrasse d’un café de Paname.
Peux-tu te présenter ?
Je tague depuis 1995, j’ai pris le blaze Spark en 1996. J’ai commencé avec des potes du lycée qui eux ont très vite arrêté… On fumait des bédos entre midi et deux et on en profitait pour gueuta les bancs des parcs environnants. J’ai choisi ce nom car je trouvais qu’il rendait bien et j’ai appris plus tard qu’il signifiait étincelle en anglais, un pur hasard, mais j’ai kiffé.
Plutôt de jour ou de nuit ?
Je pose principalement le jour, très rarement de nuit. Le jour c’est beaucoup plus tranquille, les gens sont dans leur train-train quotidien métro, boulot, dodo. Même s’ils te voient, ils ne pensent pas à te balancer. Alors que la nuit, tous les chats sont gris, un climat de suspicion et de délation règne. D’ailleurs, je fais 90% de mes tags la journée et je ne me suis quasiment jamais fait serrer.
Plutôt en solo ou en équipe ?
Je tague presque exclusivement seul, j’aime ce sentiment de liberté.
Plutôt marqueur ou bombe ?
Marqueur à fond, même si j’aime bien les deux, je préfère la 20mm à la 15mm.
Ton outil favori ?
Le baranne ! A la fin des années 90, je volais des Buffalo brille vite dans les magasins. C’était un outil parfait pour taguer, malheureusement ce modèle n’existe plus.
Quelles sont les spots que tu préfères ?
J’ai toujours particulièrement aimé les boîtes aux lettres même si à présent elles sont effacées plus régulièrement. Taguant quasi exclusivement à l’encre noire, ces petites boites jaunes font particulièrement bien ressortir mon blaze, surtout au baranne. J’aime trouver des emplacements ou des recoins stratégiques où je sais que mon gueta ne va pas être effacé trop vite. Mis à part les boites aux lettres, je n’attaque jamais une surface vierge, j’aime bien m’incruster au milieu d’une flopée de tags, toujours dans l’optique que mon blaze reste le plus longtemps possible.
Comment prépares-tu tes sorties ?
Je ne fais quasiment jamais de session, je tague sur mon trajet lorsque je dois me rendre dans un lieu précis. Par contre, je ne sors jamais sans marqueur sur moi, j’ai toujours au moins un argenté/blanc et un noir. Le sentiment de frustration est trop fort lorsque je passe devant des spots potentiels sans pouvoir taguer, ça me rend presque malade.
Comment ça se passe à Paris ?
C’est pas vraiment cartonné contrairement à Berlin, Barcelone, Rome ou Athènes. En revanche la scène parisienne est sûrement l’une des plus actives au monde. En plus, il y a un très gros level. Mais niveau mentalité, je dois avouer que c’est moyen, à l’image de la mentalité parisienne dans son ensemble. Beaucoup d’arrogance, de froideur, de jugements, de critiques… Bref un mauvais esprit typiquement parisien.
Et les stickers dans tout ça ?
Je me suis mis aux stickers dans le but d’arrêter de taguer, comme une thérapie. Mais la sensation n’est pas aussi plaisante, il manque clairement le plaisir de taguer et l’adrénaline qui va avec. Cette méthode n’a malheureusement pas fonctionné. Taguer, c’est plus fort que moi.
Qui t’inspire ?
Concernant les mecs de mon époque, celui qui m’a le plus impressionné, tant par la quantité que par la qualité de ses prods, c’est O’Clock. Je kiffe le style de Skeo, Frez, Parker ou Gorey… Concernant les crews, les 132 ont clairement élevé le niveau à la fin des années 90. Les GT et les VMD pèsent lourds aussi, ils ne lâchent pas le morceau.
Tu fais ça par pure envie de destruction ou tu as d’autres motivations ?
Aucune envie de destruction de ma part, juste la volonté d’imprimer mon tag logo dans l’esprit des gens, surtout qu’il est assez reconnaissable.
Un spot dont tu rêves ?
Mon blaze en énorme affiché sur l’Arc de Triomphe, à la manière des portraits de joueurs de l’équipe de France après leur victoire à la Coupe du Monde. Tu as bien dit rêve…
Pourquoi ne pas faire des lettrages ou des throwups ?
Pour la simple et bonne raison que je ne fais pas de session. Je tague de façon compulsive, les graffs et les flops prennent trop de temps. Je ne suis pas un artiste, je suis juste un obsessionnel.
Une ville où tu aimerais aller ?
New York, sans hésitation. Cette ville m’attire énormément. Tant de courants artistiques alternatifs et novateurs viennent de là, notamment le hip hop et le Graffiti. Il y a une effervescence culturelle que j’aimerais découvrir.
Une histoire de serrage ?
Je me suis fait serrer vers 2005 pour un pauvre petit tag au marqueur Comté sur une cabane de travaux totalement défoncée, alors que ce n’était pas moi qui m’était fait griller, mais un gueurta que je ne connaissais pas et dont je tairais le blaze. C’était vers Pigalle. Sur le trottoir, j’ai demandé aux deux condés ce qu’on attendait, ils m’ont répondu :
« Ben, nos collègues. On vous emmène. »
J’y croyais pas. Dans la fourgonnette j’étais fou de rage. On s’est à moitié insulté avec une fliquette haineuse. Arrivés au poste, les jeunes flics ont eu droit à une putain de haie d’honneur de tous leurs collègues pour les accueillir. Tout le comico de la rue de Parme s’est royalement foutu de leur gueule. C’était grisant, ça m’a remis de bonne humeur. Une fois dans son bureau, l’inspecteur nous a demandés en chuchotant de ne pas faire de bruit car son collègue dormait et nous a sortis :
« Ce que vous avez fait, j’en n’ai rien à foutre. Comme vous êtes des artistes, dessinez-moi juste le Chat de Geluck et faites-moi un graffiti Police, dans moins d’un quart d’heure vous êtes sortis et vous n’aurez aucune poursuite. »
Mon acolyte en école d’art s’est chargé du Chat, moi du sketch Police. Après avoir terminé tranquillement nos œuvres, les deux inspecteurs les ont accrochées au mur. En partant et en voyant mon graff Police juste derrière le bureau du flic, je me suis dit que je venais de vivre un moment totalement surréaliste.