J’ai toujours vu des bombes dans mon garage depuis que je suis gamin. En voyant les graffs autour de chez moi à Lille et en région parisienne, où j’ai de la famille, j’ai eu envie d’essayer. C’était au début des années 90. Je trouve mon blase en 1995. Jusqu’en 1998, c’est plutôt un délire occasionnel. Après cette période, je prends les choses plus au sérieux en rencontrant certaines personnes. J’ai toujours été polyvalent, je ne me suis jamais focalisé sur un support en particulier. J’aime tous les aspects du graffiti.
Parallèlement à ça, j’ai toujours essayé de garder le cap dans ma vie, même si j’ai eu quelques galères. Trop de gens ont bousillé leur vie à cause du graffiti.
#1 Le long des voies
Cette voie ferrée est située à la sortie de Lille en direction de la côte. On habitait à côté, c’était notre terrain de jeu. Plus jeune, on allait en vélo se balader pour y voir les graffs des mecs de la cité voisine et des old timers lillois, un vrai musée à ciel ouvert rempli de graff, de tags, de styles… On passait plus de temps à les regarder qu’à les immortaliser en photo, dommage. En 1999-2000, il y a eu du buff, nous étions dégoûtés. Avec Page et Scar, on s’est motivé à reprendre les places situées sous les ponts. Ces graffs sont restés une paire d’années.
#2 A l’ancienne
Plus jeune, quand je faisais des allers-retours à Paris, je voyais ce fameux pont bleu vers Aulnay-sous-bois, avec des graffs de Vice, Rest, Nose, Mack, le Bugs Bunny avec ses flingues, la Porsche, le 93NTM… Ce pont me traumatisait à chaque fois que je passais devant. A l’entrée de Lille, pas loin d’où je vivais, il y en avait aussi un. En 2000, avec mes acolytes de l’époque, on a voulu reproduire un peu la même chose. L’état d’esprit y était mais pas encore le style. On a trouvé un accès pour monter avec Page et Smor et on l’a tapé. C’est un super spot visible à l’entrée de Lille. Nous avons été les premiers à le faire. Un peu plus tard, on fera le même pont plus loin à l’entrée du Vieux Lille.
#3 Pour le Nord
Ce graff a été réalisé à l’occasion de la sortie d’une mixtape de Dj Criz. Page s’est occupé du Bboy à la hache et moi du 59. Ce graff servira d’ailleurs de cover pour la mixtape. A cette époque j’avais réalisé une série de 59 sur les voies ferrées et les autoroutes de la région. On était assez fier de notre département malgré les clichés et sa mauvaise image.
#4 Sur la route des plages
L’été en 2001, avec Acro on organise un petit périple en caisse pour passer du bon temps et laisser notre trace, de Lille au Portugal, en passant par Grenoble, Montpellier, l’Espagne et le Pays basque. Fraîchement rentré C4 par l’intermédiaire de Proze, l’escale à Montpellier nous conduit au Battle Of The Year à Gramont où l’on croise de nombreuses têtes, dont Smole, mais aussi Jabba, La Mano, Mode2 et bien d’autres. En fin de soirée, on fait des chromes sur la fameuse route des plages.
#5 Le 11 Septembre 2001 à Lille
Le 11 Septembre 2001, on connaît tous l’histoire. Ce jour là, je suis au Coma Sound Kartel de Lille, on entend que New York a explosé, c’est la guerre. Je me rends à Darty dans le centre-ville pour voir ce qui se passe sur les écrans télés. Tout le monde est choqué, une drôle d’atmosphère plane en ville. Avec Stor et Page, on se dit que c’est le bon moment pour immortaliser ce moment sur un métro.
#6 Sur la rocade
Gamins, on assiste à la construction de la rocade avec les DNK, qui doit désenclaver Lille et quelques villes limitrophes. Nous habitons tous dans le quartier juste derrière. Le chantier commence au début des années 90, la rocade est mise en service vers 1994. Des kilomètres de palissades sont construites, un vrai terrain de jeu pour nous qui commencions le graffiti. Tous les mecs actifs de Lille et des environs sont venus poser vers chez nous.
#7 La chasse aux trophées
A Lille en 2002, je rouille avec mon acolyte Stor à Coma Sound Kartel. Un lundi de jeune chômeur dans le Nord, rien de folichon. Il fallait bien égayer cette pauvre routine. Comme souvent le graffiti est là pour nous sauver. Ce soir, ce sera double wholecar. On se prépare, on y va, ambiance pénard, on peint, on repart. On ne prend pas de photo, on compte l’attendre à Lille de pied ferme. A vrai dire, à part Page, on n’est pas super équipé pour prendre des clichés, surtout de nuit et encore moins pour un wholecar.
Le lendemain, on l’attend mais rien ne vient. Ça sent l’entourloupe, vu la complexité du réseau Nord-Pas de Calais. Il peut être à Dunkerque comme à Valenciennes, Douai, Arras, Béthune… J’embarque Page et son super appareil photo dans ma galère à la recherche de trophées.
On part à Valenciennes, et je tombe sur des panels que l’on a précédemment fait avec Trane, Dok, Keyz, Stor. J’ai pas tout perdu, mais pas de wholecar. On remonte sur Lille, je l’engraine pour aller sur la côte, mais toujours rien. A la fin de l’après-midi, on revient sur Lille. Vers le Grand Palais, garé devant nous, il est là. Quelle satisfaction. Tant de stress et de kilomètres parcourus. On n’aura pas toujours cette chance. La phrase au-dessus du Bebar est un remix d’une punchline du groupe Aktivist qu’on écoute pas mal à cette époque là : « Ne me parle pas, je t’aime pas. Avec le rasoir, je rigole pas. »
#8 Backjump à Milan
En 2006, on va à Milan sans connexion, on a entendu parler de ce spot. On ne sait pas trop combien de temps on peut rester, pas longtemps en tout cas. Mais ce qui est sûr, c’est que les italiens le font. On le tente. Je peins avec des Dupli et des Sinto au cap d’origine, les contours, le remplissage et le fond. Le métro démarre, je n’ai pas tout à fait fini. On cavale tous hors de la station dans tous les sens. Quand j’y repense, on n’était vraiment pas au point. Plus tard, on y retourne dans de meilleures conditions et avec plus d’expérience.
#9 Mission wholetrain
En 2007, j’ai un collègue qui s’éclate bien sur le métro de Marseille. Un jour, il me propose de venir car il y a une belle opportunité à saisir. Quelques travaux vers la Timone laissent penser qu’une belle action est possible. Et ce fut le cas. Début de soirée à zoner la station et à checker le maître chien. A la fermeture du réseau, un chantier, un escalier, une porte et surprise, un métro garé à quai. On peint, on y reste un moment et chacun de nous y va de sa petite punchline des Soprano qui passait en boucle à ce moment là, La Famille, t’y as compris, A la bieng ou encore Halla halla. Le matin, il nous faut des photos et des vidéos. On se rend dans une station, et on le voit passer devant nous sans avoir le temps de le shooter. On se précipite au dépôt. Soulagement, il est garé dehors. Une équipe s’est chargée de prendre le wholetrain en photo.
#10 Du Nord au Sud
Ce terrain vague se trouvait à Nice Nord, c’était un lieu où l’on croisait beaucoup de graffeurs du coin. J’y ai fait quelques graffs dont celui-ci en 2008. La partie gauche avec le soleil et les dunes existaient déjà. Je m’en suis servi et j’ai incrusté mon lettrage, ça faisait un beau fond. Rien d’extraordinaire si ce n’est que j’aime bien ce graff, notamment les enchaînements. Comme souvent, j’ai peint un Bboy pour agrémenter la pièce. A gauche le soleil et la plage pour le Sud, à droite le béton et la pluie pour le Nord d’où je viens.
#11 Wholecar à thème
Impressionnés et inspirés par les scènes des UV sur les trains de la banlieue parisienne, on se chauffe avec Kecy. On avait un plan qui nous permettait de pouvoir réaliser ce genre de scène. On décide ensemble du thème, ce sera l’Égypte, les pyramides et les hiéroglyphes en référence au groupe de rap Hieroglyphics. Le début d’une série de wholecars thématiques. On se faisait un challenge entre nous dans le Sud et les autres gars de l’équipe dans le Nord. Ça a créé une émulation, c’était cool. Au final, de nombreux wholecars et end-to-ends ont été peints avec des thèmes divers. On aura certainement l’occasion de tous les montrer dans un ouvrage d’ici quelques années.
#12 Avec Keyz, la légende du fret
En 2014 pendant l’été, le compère Zekey déboule dans la région Rhône-Alpes. C’est sûrement un des pionniers du fret dans le Nord-Pas-de-Calais. Je décide de l’emmener sur un plan connu. Je le laisse aux manettes. Keyz, en plus d’être un équipier de longue date, est aussi une légende vivante du graffiti nordiste, comme Sleek ou Edge à une autre époque. Ceux qui le connaissent savent de quoi je parle. Force à lui !
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