Du marché de Barbès au marché d’Aligre en passant par celui d’Alexandre Dumas, impossible de passer à côté des camions parisiens des FD. Depuis 2006, ils laissent leur empreinte dans la capitale avec une recette efficace : peindre à plusieurs le nom du crew, avec pour chacune des pièces en couleurs un concept différent, le tout accompagné de persos issus de la culture populaire.
A l’occasion de la sortie de leur livre compilant leurs pièces favorites et édité par Terrain Vague, rencontre avec l’équipe.
Quand avez vous commencé à peindre des camions ?
En 2006 sur le boulevard de Charonne, au métro Alexandre Dumas. Le début d’une longue série.
Qui fait partie du crew ?
Bercés par la culture populaire des années 60 à nos jours, notre identité va s’axer autour de personnages et de graphismes issus de nos BD, de dessins animés, de films et de nos musiques préférées. Du style vaporeux de Alfe aux wildstyles décomplexés de Fume2, en passant par les dessins appliqués de Paul ou les block letters de Panzer, les influences sont aussi nombreuses que les membres du crew.
Pourquoi peindre uniquement le nom du crew ?
On peint le nom du crew lorsqu’on est ensemble et seulement sur les camions. On a commencé par peindre des stations de métros il y a douze ans, au début on était que quatre dans l’équipe, et notre but était d’écrire une signification différente des lettres FD dans chaque nouvelle station qu’on peignait. Ca a duré environ deux ans, et ce qui nous intéressait c’était que nos rôles changent a chaque fois : c’est pas toujours la même personne qui trace les lettres, qui dessine le perso, ou s’occupe du fond… ça nous permettait de montrer plusieurs styles différents.
Au bout d’un an de cette période station, on a commencé a s’intéresser aux camions après avoir été traumatisés par les styles de Moze et RCF1 entre Barbès et Belleville. A ce même moment le groupe s’est étoffé avec de nouvelles recrues, on a commencé a bosser des compos plus abouties que les stations, mais sur ces supports qui traversent la ville et qui la plupart du temps tournent pendant des années.
Ce qui est vraiment intéressant dans le fait d’écrire le nom du groupe sur ces camions, ou de faire des scènes sur un thème, c’est que le talent de chacun ou ses qualités techniques soit mis au profit du collectif. Le résultat d’un camion sur lequel on bosse à cinq ou six dessus est toujours plus intéressant grâce a notre complémentarité et aux discussions qu’on peut avoir pendant la peinture.
Peignez-vous exclusivement des camions ?
On est quatorze en tout, douze à peindre et deux de nos potes s’occupent plus de ce qui est photos et vidéos depuis nos débuts. En ce qui concerne nos support de prédilection, ils sont différents pour chacun. Pour faire court, une partie de l’équipe est encore active sur roulants, exclusivement à l’étranger bien sûr, certains peignent la rue et continuent de faire circuler leur nom en solo, d’autres sont dans l’expérimentation ou le post-graffiti. Les camions représentent vraiment la partie émergée de l’iceberg, nous avons aussi réalisé beaucoup de peintures en commun sur d’autres supports qui sont restés inédites jusqu’à aujourd’hui, mais ça c’est pour un autre livre, plus gros, plus grand, qui ne sortira que dans quelques années et en très peu d’exemplaires.
Une anecdote particulière ?
90 % des camions que nous avons peints sont réalisés illégalement, du coup des anecdotes, il y en a des dizaines. La plupart du temps, ça se passe sans accroc car un autre avantage de bosser en équipe, c’est la rapidité d’exécution, mais parfois un proprio arrive quand on est en train de peindre, et là tu sais jamais comment ça peut se passer. Certains sont contents car ils préfèrent notre truc aux tags qu’il y avait en dessous, mais la plupart sont d’abord dégoutés.
Selon le nombre qu’on est, ils se mettent plus ou moins en colère ou appellent les flics… il y a aussi le mec qui te met un couteau sous la gorge à trois heures du mat dans le quartier de Père-Lachaise, en arrivant par derrière pendant que tu peins un petit deux lettres en dix minutes a deux, et que tu l’as pas senti arriver. Heureusement un de nos pote fait le check à cinquante mètres, voit la scène et peut à son tour profiter de l’effet de surprise pour nous sauver la mise.
Ou encore ce proprio qui arrive vers nous en courant, déterminé à nous défoncer. Ton pote arrive à se barrer, le mec m’attrape, clef de bras, mandale, m’explique que ça sert a rien de me débattre, que c’est un passionné de baston, qu’il fait du MMA et s’entraine avec la BAC du coin. Le gars est une masse, après quelques grosses gifles, j’arrive à négocier de finir, en lui promettant que ce sera mortel. Il nous laisse finir en nous insultant, puis au fur et a mesure voit la tête de Robocop dont il est fan apparaître sur son camtar, des lettres bien calibrés, et un fond avec des éclairs dans le ciel un peu kitsch. Là, il commence à s’excuser, puis il va dans le bar d’en face nous chercher deux whiskys cocas, nous dit que son camion lui sert à transporter des œuvres d’arts, et qu’il le trouve mieux comme ça que tout blanc !
Sans parler de toutes les disquettes qu’on a mises aux flics, à force certains ont développé de vrais talents d’acteurs, à base de fausses autorisations, de soit-disant commande du proprio… depuis quand des mecs qui vendent des fruits et légumes commandent des Terminator, ou des nanas à poil ?!
Des projets ?
On a des centaines d’heures de rush de nos actions, de nos peintures terminées, de photos, plein d’idées de bouquins, de vidéos. On ira au bout de certains de ces projets c’est sûr. Mais surtout continuer de peindre ensemble même si certains d’entre nous ont quitté Paris. C’est toujours aussi bon quand on se retrouve.