Contrairement au Street Art, La logique du Graffiti c’est avant tout d’écrire son nom partout, non ? Et surtout sur les trains et métros. En matière de noms, les exemples ne manquent pas dans le métro parisien : la formule classique remplissage + contours + highlights a encore de beaux jours devant elle.
Pourtant depuis quelques temps, on y croise de plus en plus de graffs totalement illisibles. Art abstrait ou illettrisme ? Un peu de tri s’impose !
Commençons par rendre à César ce qui appartient à César : du graffiti abstrait sur du roulant, ce n’est pas nouveau. Vania, qui sévit sur les trains de la région montpelliéraine depuis les années 90, s’est fait une spécialité dès le début des années 2000, de peindre des pièces de plus en plus abstraites. Ses « fleurs éternelles » comme il les appelle, aux formes très spécifiques, sont uniques. Si uniques qu’au final, il n’a plus besoin d’écrire son nom : on sait que c’est lui.
Enraciné dans la culture graffiti la plus traditionnelle, Vania décide pourtant très vite d’aller chercher la radicalité dans son acte, l’économie dans son geste. Tout en restant fidèle aux principes inhérents à la pratique (spontanéité, prise de risque, vitesse d’exécution, impact visuel), Vania glisse progressivement vers une épuration totale des lettres et autres ornements. Le nom devenant invisible, c’est désormais son style qui parle à sa place : minimaliste, aérien, fugace, et résolument abstrait.
Momies l’a d’ailleurs rejoint dans son déluge de formes et de couleurs :
On revient en 2019/2020 dans le métro parisien. Extirpons d’abord les graffs involontairement abstraits : graffs toyés ou auto-toyés, trucs pas finis ou semi-buffés… Pour le coup ça donne souvent de jolis pâtés de couleurs !
S’en suit une nouvelle tendance free jazz : les graffs au pinceau, ou alors avec des traits de caps hors du commun, souvent sans contours et de plus en plus illisibles – seuls les (très) initiés parviennent encore à y distinguer parfois des lettrages.
Puis on revient à l’outil traditionnel – dans le graffiti c’est la bombe – et la c’est le déluge de formes et tâches en tout genre…
Tantôt ça pique :
Tantôt ça fume et ça s’électrifie :
Puis ça part en ébullition :
Jusqu’à l’abstraction la plus dénudée, qui se joue souvent des formes et couleurs originales du métro :
Évidemment, ces tendances ne plaisent pas à tout le monde chez les « puristes » du graffiti, surtout lorsqu’on touche à la cible de prédilection du noyau dur : le métro. En attendant, les frontières et règles non-écrites du graffiti continuent de bouger, et cette pratique possède en tout cas un avantage indéniable : pas de nom, pas de plainte ! Même si d’aucuns répondront sans hésiter : pas de nom, pas de graff…