Son style ultra chargé est une sorte de fusion entre du graff ricain classique et illustration, esthétique gore, psychédélisme et comics à la sauce Metal Hurlant … je suis, je suis ? Il s’agit bien sûr de Baer BTR, artiste multi-facettes et complètement barré ! Si vous ne connaissiez pas ses peintures folles et torturées, c’est l’heure du rattrapage.
Même si ses fresques géantes en laissent plus d’un sur le cul, l’histoire ne s’arrête pas là puisque c’est aussi un vandale prolifique et bien plus, un simple coup d’œil à son insta suffit pour s’en rendre compte. MTN World l’a interviewé, on a traduit. Entre arrogance taquine et humour noir, c’est aussi l’occasion d’évoquer, entre autres, sa série de vidéos Toy Story.
Quand on voit les codes souvent rigides du graff de la West Coast on se demande d’où te vient ce style si atypique ?
Pour un art qui se veut anti-institutionnel, le graff est pourtant truffé de règles. Artistiquement parlant, je n’ai aucune envie de me contraindre dans ces normes. J’ai toujours été profondément influencé par les phases de crews locaux comme MSK, AWR, LTS et KOG, et j’ai voulu construire à partir de ce niveau de détails qu’ils apportaient à la scène West Coast. Mais je préfère tracer ma propre route et pas reproduire ce qui a déjà été fait. J’utilise le graff comme un outil pour faire ma propre introspection et mettre en lumière toutes ces facette sombres enfouies à l’intérieur.
Quelles sont tes principales influences ?
La DMT et l’Ayahuasca.
En 2020 tu as commencé à publier une série de vidéos assez dingues sur ton insta, un mix de graff et de contenus extrêmes qui vont du gore aux films d’horreur en passant par les tueurs en série, le sexe, le fétichisme, les drogues etc. C’était inédit et tous les spotlights se sont tournés vers toi. D’où t’es venue l’idée ?
Je pose Baer depuis plus de 15 ans mais avant 2020, je n’avais aucune présence sur les réseaux sociaux, ni même jamais posté de photos en ligne. Je me suis mis à la vidéo pour créer l’univers autour de mes graffs. De fil en aiguille j’en suis venu à faire des mini films pour documenter mes actions et mes performances artistiques illégales. Je me suis dit que ça serait un truc intéressant à partager et j’ai ouvert mon compte Instagram. J’ai toujours eu une fascination morbide pour les criminels tarés. J’avais l’impression que représenter mes exploits graffiti façon reality show était la prochaine étape dans l’évolution de mon expression créative.
Comment abordes-tu ton travail ? Tu le vois comme purement graffiti ou comme une prod plus complexe et élaborée ?
Dans les années 70, Blade, le dieu du graff new-yorkais, a crée le terme Grand Design pour décrire ses pièces les plus élaborées, celles qui dépassaient les simples burners. Mon style cherche à être à la hauteur de l’héritage défini par cette notion de Grand Design. Pour cela je fais progresser mon individualité tout en usant de métaphores et d’allégories pour aboutir à un graffiti qui véhicule une histoire. Mon style se fait le reflet de nombreux aspects de ma personnalité. 99% de mon art est illégal, ces « grands designs » que je crée sont du graff vandale avec un focus sur les détails.
Tu y vas fort sur les gens que tu n’aimes pas, que ce soit dans la rue ou en ligne. Est-ce que tu aimes créer du beef ? (NDLR : conflit en jargon Graffiti mais aussi viande de bœuf en anglais)
Je déteste le beef , je suis un veggie donc pour moi c’est sans OGM et à base de plantes. Mais il faut bien que je trouve ma ration de protéines quelque part et les toys sont une excellente source de nutrition.
Qui est le Boucher (the Butcher) aka Serial Filler et qul rôle joue t-il dans la rue ?
Le Butcher est la manifestation physique de ma noirceur. Il n’émerge des tréfonds de mon esprit qu’à la pleine lune. Il cible majoritairement les toys en laissant des messages cryptiques à la bombe sur les murs de la Bay Area.
Il y a quelques mois, avant que Boris ne lance un projet similaire, tu as commencé à produire une série limitée de poupées Serial Filler. Le tout 100% fait-main, de la figurine aux vêtements, outils et packaging. Tu vois ce truc comme simplement de l’artisanat ou plus comme de l’art conceptuel ?
C’était une performance artistique interactive. Quand j’étais gosse je collectionnais les figurines et je fabriquais des jouets custom. Une poupée Butcher était donc inévitable. J’ai lancé un concours de costumes « Soyez le Butcher » avec une partie des 13 figurines pour les gagnants. Un échange artistique, bien au-delà de la mentalité capitaliste. Quand je faisais ces poupées j’ai rajouté des références à de vrais conflits graffiti dans les accessoires et j’ai accompagné ça d’un scénario. Cela me semblait normal que ces poupées aient leur propres beefs. Comme je faisais tout moi-même (au lieu de faire sous-traiter) j’en ai profité pour répondre à mes rivaux en temps réel. Cela a conduit à un dialogue avec d’autres figurines graffiti, le tout avec ma poupée comme le protagoniste principal.
Dis-nous en plus sur ces vidéos hilarantes…
Ces satanées poupées ne sont pas marrantes ! Je me suis laisser emporter et j’ai lancé une malédiction de magie noire à base de mon propre sang sur ces figurines qui se sont retrouvées possédées par une entité démoniaque nommée « Graffomet ». Je me pensais pas que le sort fonctionnerait. Par chance j’ai pu expédier 12 des poupées à des victimes qui ne se méfiaient pas avant que les figurines ne sortent de leurs boîtes et me tuent. Bêtement, je me suis gardé une des figurines et elle me terrorise depuis. Ce petit Butcher porte la culotte dans notre relation, je rencontre des difficultés à l’éduquer, c’est une poupée bien perturbée… Mais bon c’est quand même le premier jouet à faire pour de vrai du graff dans la rue et je suis très fier de lui. La première fois que je l’ai vu faire un remplissage à l’aide des mini sprays qu’il avait péta, j’ai su qu’on était à un vrai tournant pour cette sous-culture. J’ai donc décidé de documenter son comportement avec une série de vidéos. Les gens peuvent ainsi constater le type d’abus qu’il me fait vivre au quotidien.