Dans le Graffiti, quoi de plus sacré que l’alias que se choisit le graffeur pour commettre ses peintures ? A ses débuts, on se fixe sur un nom de plume, et généralement on s’y tient. Tout en restant anonyme, on répète le même nom à l’infini, triturant les lettres qui le composent, le déclinant sous toutes ses formes sur les murs et les trains, jusqu’à ce que ce nom sorti de nulle part devienne fameux.
Si un nom était déjà pris, il était impensable de le copier ou de se l’approprier. Au pire, si un mec posait MACHIN, et qu’on voulait vraiment porter le même nom, il n’y avait pas le choix : il fallait accoler un numéro au nom et s’appeler MACHIN2 pour bien marquer la différence avec son prédécesseur.
En clair, l’alias était unique, et tout méfait signé de ce nom était presque à coup sûr l’œuvre du même auteur. On dit presque, parce qu’il est, même à l’âge d’or du graffiti, des exemples d’homonymes fameux : Ainsi, SEEN TC5 n’avait rien à voir avec SEEN UA, et pourtant les deux étaient particulièrement actifs à New York, dans les années 80.
Bon, on vous parle là d’un temps que les moins de 20 ans… bref, vous connaissez la chanson. Enfin non, sûrement pas si vous avez moins de vingt ans, mais passons. Toujours est-il que cette tradition, comme toute tradition, n’a pas vraiment échappé à l’usure du temps, et surtout à l’explosion mondiale du graffiti.
Ainsi, si un gamin se met à taguer le même nom à l’autre bout du monde, difficile d’avoir la science infuse et de le deviner, surtout si le mec d’origine ne s’est pas assez fait connaître. Donc en gros, tout ça, c’était avant.
On vous prend un cas d’école : DIEGO. Bon, il faut bien avouer que le nom n’est pas très original, la moitié de l’Amérique du Sud se prénommant déjà Diego à la base. Quoi qu’il en soit, c’est pourtant le nom que s’était choisi le parisien DIEGO, qui officiait aux côtés de SEB et son groupe FMK dans les années 90.
Mais en fouinant un peu sur le net, on ramasse désormais du DIEGO à la pelle, et la globalisation aidant, on en trouve même avec des styles plus ou moins similaires :
Celui-ci est chinois, et le comble c’est que si ça se trouve, la coïncidence n’est que fortuite. C’est ainsi que le DIEGO chinois enchaîne les pièces plus que potables à Pékin, avec un style qui trouve ses origines à la même source que le DIEGO parisien.
Bluffant non ? Mais ce n’est pas tout, voici également deux DIEGO que l’on a vu tourner récemment sur le métro Parisien, les deux sont signés DRS.
D’ailleurs, s’agit-il des DRS de Rotterdam, des DRS de Berlin, ou encore d’autres DRS ?
Et voici encore quelques autres DIEGO, également œuvres de graffeurs différents !
En gros, c’est le bordel, et les flics ne savent plus à quel saint se vouer. Avant c’était pourtant simple : si des trains étaient signés d’un nom ils étaient forcément tous l’œuvre du même gars. C’est ainsi que dans leurs enquêtes, le Vandal Squad parisien n’hésitait pas à mettre sur le dos d’un seul et même accusé tous les graffs du même nom, l’érigeant pour ainsi dire au rang de preuve ultime.
Une logique qui ne fonctionne plus aujourd’hui, et que les allemands TAPS & MOSES se sont d’ailleurs amusé à démonter en lançant le nom ALIAS. « Un alias n’est plus une preuve » comme ils le disent eux-mêmes, et ils l’ont bien prouvé en lançant leur petit jeu de brouillage de piste. Un jeu qui a bien pris, si l’on en croit les centaines de pièces ALIAS peintes sur les trains du monde entier par une armée de vandales anonymes ! On vous raconte l’histoire ici.
Mais parfois, c’est surtout la faute à pas de chance : ainsi, ONE UP avait bien cartonné Paris en compagnie des KO dans les années 2000.
Mais difficile de lutter lorsqu’un groupe de Berlinois plus que déterminés décide de lancer quelques années plus tard une véritable machine de guerre sous le nom commun de 1UP !
Et encore, l’histoire ne s’arrête pas là, puisque parallèlement aux USA, un groupe qui n’aurait à priori rien à voir avec les 1UP européens sévit également sous le même nom…
Bref on n’y comprend plus rien… Il reste donc à ceux qui se font « voler » leur nom à se démerder pour faire parler d’eux plus que leur usurpateur présumé. Ainsi en Allemagne, deux fameux ACID se disputent le titre. L’un vient de Berlin et est sans conteste l’un des graffeurs de trains les plus doués de son pays, peignant en compagnie des groupes DRM et BK :
L’autre fait partie des BM45 et vient de Leipzig, et met également les bouchées doubles sur les systèmes du monde entier :
Et c’est sans compter sur le crew ricain ACID, qui vient lui aussi mettre un peu plus le boxon…
En conclusion, messieurs les jurés : non c’était pas moi, c’était l’autre !