Avant que la déferlante du graffiti ne s’abatte sur le New York délabré des années 70, Darryl McCray alias Cornbread faisait déjà la une des journaux locaux à Philadelphie, 6 ans avant que le New York Times ne consacre un article au phénomène Taki183, en 1971.
En 2016, Mass Appeal s’est entretenu avec le parrain du graffiti, âgé de 64 ans, et toujours prêt à faire un tag.
Tout commence en 1965. Habitué des maisons de redressement pour mineurs, le jeune Darryl souffre d’une timidité maladive. Amoureux d’une fille de son âge, Cynthia Custuss, il lui déclare son amour en peignant inlassablement Cornbread Loves Cynthia sur les murs de son école et de son quartier.
En centre de redressement, il fait la rencontre de nombreux membres de gangs qui marquent leurs territoires pour prévenir et dissuader les étrangers de pénétrer dans leur zone.
La légende veut que Darryl Mc Cray ait choisi son tag en raison de son goût prononcé pour le pain de maïs (cornbread/pain de maïs). Alors que la plupart des gamins de son âge souhaite devenir musicien ou sportif de haut niveau, Cornbread choisit une voie complètement différente pour se faire connaître.
En créant une alternative à la nécessité d’appartenir à un gang et de le représenter, Cornbread initie un mouvement et fait rapidement des émules (Tity, Dr Cool#1, Cool Earl, Top Cat…) prêts à entrer dans la compétition.
En 1971, un article du Philadelphia Tribune le déclare mort. Pour prouver qu’il était bel et bien en vie et s’assurer une sacrée publicité, Darryl McCray pénètre dans l’enceinte du zoo de Philadelphie. Après trois nuits de repérage, il s’introduit dans un enclos pour peindre Cornbread Lives (Cornbread est en vie) sur les deux flancs d’un éléphant.
Motivé par cette action, il profite de la venue des Jackson 5 à Philly pour peindre une des ailes de leur jet, alors que Michael, Jackie, Tito, Marlon & Jermaine signent des autographes sur la piste d’atterrissage. L’avion se rend ensuite à Los Angeles ou le tag de Cornbread fait grand bruit.
En 1980, les rues de Philadelphie sont défoncées de tags se chevauchant, s’entremêlant, une situation que le maire ne supporte plus, au point de déclarer la guerre au graffiti en 1984. Entretemps, Cornbread sombre dans l’héroïne, comme de nombreux writers de la première heure, et se fait rattraper par son mode de vie qui le conduit régulièrement derrière les barreaux.
Père de dix enfants, Cornbread réussit à se débarrasser de son addiction pour devenir un activiste social, chargé de la prévention sur les dangers de la drogue. Désormais rangé des voitures, il défend ardemment la pratique légale du graffiti et tague parfois quand il y est invité.