Haeck est un des darons du graffiti bordelais : discret, mais toujours présent sur les trains de sa région et bien au delà, depuis la nuit des temps – les nineties, c’est la nuit des temps non ?!
Après deux numéros 100% trains particulièrement qualitatifs, Plaisir Coupable lui consacre un hors-série entièrement dédié à son activité roulante. C’était le prétexte idéal pour rencontrer l’animal, et lui poser quelques questions.
Salut Haeck, à quand remonte ta première rencontre avec le graffiti ?
En 1987, je prenais le train pour aller à l’école. J’ai vu dans les toilettes un tag que j’ai effacé pour faire le perso de 7up. En fait, je venais de repasser mon grand frère… Plus tard en 1993, tout commence quand je croise par hasard des amis de mon frère près d’un terrain. Je ne sais pas trop ce que je faisais là, j’ai sans doute été attiré par les couleurs des tags à l’extérieur. Et depuis ce jour, je n’ai pas arrêté.
Comment s’explique ta longévité ?
Je ne cherche pas à faire du graffiti spectacle, je mesure le risque et je suis très rigoureux. Si je ne le sens pas ou si quelque chose ne me plait pas, je passe au spot suivant. Je ne suis pas un kamikaze mais plutôt un passionné. Et même si je peins beaucoup, je fais tout pour ne pas me faire serrer. J’ai envie que le graffiti reste quelque chose de positif qui me fait du bien. Si tu te fais trop serrer, tu ne peux pas durer.
Au fil des années, tu as beaucoup changé de nom. Pourquoi ?
Ma principale source d’inspiration est la musique et je choisis la plupart de mes blazes par référence à ce que j’écoute. J’aime qu’il y ait un lien entre ces deux mondes. Malgré le fait que les gens connaissent plus Haeck, mon blaze préféré est sûrement Blowfly pour le personnage qu’il était, mais aussi la richesse des lettres.
Tu racontes beaucoup d’anecdotes dans le Hors-série Plaisir Coupable, y en a-t-il une sur laquelle tu veux revenir – ou nous en raconter une autre ?
J’ai beaucoup d’anecdotes mais il y en a une qui aurait mérité d’être aussi dans le magazine : en Espagne, un après-midi d’hiver, mon binôme et moi découvrons des rangées de vieux cercanias oranges (des camellos). Le spot paraît paisible. On part pour deux panels. On attaque le premier panel, tranquillement, puis le second. Mon binôme finit avant moi et m’attend. Soudain, il m’avertit de la présence d’une personne en noir au bout de train. Je me dépêche, quand, soudain, mon binôme m’attrape le bras : il y a quatre pieds de l’autre coté du wagon que je peins. Heureusement j’ai fini. On ne peut pas s’échapper, la seule issue est une porte de train ouverte. On se cache dedans. Malheureusement cinq minutes après, on entend des pas qui se rapprochent. On est foutus : un policier et une vigile sont en face de nous. On ne cherche pas à batailler. Au moment de sortir du train on leur demande si on peut quand-même prendre nos photos. Le flic acquiesce, il me prend le sac de bombes quasi-vides. Et voilà un superbe cliché du panel, avec le flic qui pose avec les peintures et la vigile à coté. Puis, tranquillement, ils nous raccompagnent à la voiture. Histoire classée sans suite !
Tu as vu l’évolution du graffiti dans son ensemble depuis tout ce temps; quel est ton regard sur les générations et les styles actuels ?
Je ne fais pas partie des anciens qui disent que c’était mieux avant. Chaque période a son charme et ses inconvénients. En revanche, internet à donné lieu à des comportements et des buts aberrants : certains se mettent en scène tels des clowns et dans le seul but d’obtenir des followers et des likes. Le voyeurisme qu’il engendre est malsain. Cette visibilité facile retire toute authenticité à ceux qui rentrent dans ce jeu alors qu’ils ne sont pas là depuis longtemps. Quant au street art et à l’argent qu’il génère rapidement et sans aucune crédibilité pour la plupart, cela ne fait que me conforter dans l’idée que le graffiti doit avant tout être fait pour soi et seulement après avoir déjà fait tes preuves pendant des années et des années, alors, oui tu peux commencer à songer à gagner de l’argent avec.
Tu as beaucoup voyagé et exporté tes peintures, y-a-t-il un pays ou une ville qui t’a particulièrement marqué ?
L’Espagne, avec ses vigiles et la complexité des plans qui font que chaque panel rentré est une vraie victoire.
Des projets ?
Continuer à peindre et à voyager, encore et toujours…
Le hors-série dédié à Haeck est en vente ici, directement sur le Big Cartel de Plaisir Coupable Magazine.