Pourquoi les writers anglais subissent-ils des peines de prison aussi lourdes ? Natty Kasambala a rencontré le réalisateur de More Hate Than Fear, court métrage s’intéressant aux peines de prison disproportionnées pour du graffiti.
Vamp est condamné à 3 ans de prison ferme pour vandalisme. Le même jour, Stuart Hall, un présentateur de la BBC, écope de 15 mois de prison seulement pour les agressions sexuelles de 13 jeunes filles âgées de 9 à 17 ans. Dans ces deux affaires, le contraste des verdicts est évident. Les tribunaux semblent accorder plus d’importance aux dommages causés par de la peinture pulvérisée sur un mur qu’à la vie de mineures victimes d’agressions sexuelles.
More Hate than Fear
Troublée par un système judiciaire pas si juste que ça, Molly Manning Walker a réalisé un film, More Hate than Fear, et un documentaire sur le sujet.
Considérant le graffiti comme la liberté d’expression ultime, elle sentait la nécessité de la préserver, tout en mettant en lumière ce qui arrivait à ses artistes.
Elle explique :
-Le graffiti fait partie de la liberté d’expression, c’est une expression du malaise par rapport au statu quo. Mais ce n’est pas le graffiti qui m’a poussé à faire ce film. Ce sont les peines de prison disproportionnées. Ce qui est devenu évident, c’est que nous avons un système judiciaire qui place l’argent et la propriété privée au-dessus de la vie humaine.
Malheureusement, ses craintes sont confirmées par les faits, les graffeurs sont régulièrement condamnés à des peines de prison ferme dans des quartiers de haute-sécurité en compagnie de délinquants violents.
Ecrit par Monning Walker et dirigé par Billy Boyd Cape, le film suit un jeune artiste luttant pour survivre au début de son incarcération. Après une altercation avec un autre détenu, le jeune prisonnier se réfugie dans le dessin. A mesure que les jours passent, il commence à se faire à l’ambiance, se fait un ami et apprend quelques trucs. A la fin du film, tout ce qu’il a appris est remis une nouvelle fois en question alors qu’il essaie de savoir en qui il peut avoir confiance. C’est un aperçu de la réalité que doivent affronter des gamins enfermés pour du graffiti dans des quartiers de haute-sécurité.
La crainte du graffiti
Dans une société où Mc Donald’s, Adidas et Nike utilisent le graffiti dans leurs campagnes publicitaires, où les journalistes se servent du graffiti comme décor, où les créateurs exploitent le graffiti comme faire-valoir, c’est presque une blague de croire que cette pratique artistique puisse faire peur aux citoyens. La crainte du graffiti provient du gouvernement, une peur de perdre le contrôle comme le suggère Cummings dans un documentaire antérieur de Walker. Cependant, le public adopte une attitude différente mais souffre d’un manque de sensibilisation, une des raisons pour laquelle il était important pour Walker et Billy Boyd Cape de réaliser ce film.
Billy Boyd Cape déclare :
-Dans l’esprit du public, il y a la conviction que si quelqu’un se retrouve derrière les barreaux, c’est qu’il le mérite. Il n’y a aucune empathie… Il faut vraiment que s’opère un changement dans l’opinion publique. »
Une confiance aveugle est mise dans les structures qui ne placent pas systématiquement le bien-être des citoyens au-dessus de la protection de la propriété privée. Le surpeuplement des prisons ajouté au cercle vicieux de l’incarcération coutent plus cher au gouvernement que les dommages et intérêts qu’il perçoit.
Le film More Hate Than Fear prouve l’injustice des condamnations à de la prison ferme pour du graffiti.
Oui c’est un délit qui devrait être puni, mais en mettant les writers en prison, on ne les dissuade pas, on les encourage.
–Harry Conway
Conway explique comment les peines de prison pour graffiti conduisent les writers à fréquenter des criminels endurcis. A la place, Conway suggère une solution simple et efficace, les travaux d’intérêt général, une façon de rembourser une dette qui ne coute pas aux contribuables le prix d’une incarcération.
Notre climat socio-politique actuel conduit la jeunesse à s’engager politiquement pour lutter contre un gouvernement qui ne répond pas à leurs attentes. L’expression artistique a toujours été un moyen de rejeter le statu quo, le graffiti en fait partie. Quand le système considère que les dommages causés à la propriété privée sont plus importants que la violence à l’égard de victimes mineures, on peut se poser des questions.
Boucs émissaires
La condamnation injuste de délinquants non-violents ne peut être considérée que comme une tentative de bâillonner une génération désengagée politiquement mais active. Les graffeurs sont devenus les boucs émissaires de la société dans son ensemble. Les considérer comme des criminels, les traiter comme tel, détruire toutes leurs chances de réhabilitation, on peut se demander ce qui se trame derrière ces menaces.