Cyrillique, Grec, Latin, Chinois… Il existe plein d’alphabets différents, pourtant depuis le début de l’histoire du Graffiti, les vingt-six lettres de l’écriture latine sont majoritairement utilisées partout sur la planète. Pour varier les possibilités typographiques, Tacos s’intéresse aux milliers d’idéogrammes chinois, il y a de quoi faire.
Rencontre avec le spécialiste des sinogrammes.
D’où viens-tu ?
Je viens de Grasse, une petite ville du sud de la France près de Cannes. J’ai pas mal bougé depuis. J’ai commencé le graffiti en 2008, à l’âge de treize ans avec mon meilleur ami Tick à Shanghai, où j’ai vécu jusqu’à l’obtention de mon bac à dix-huit ans.
Pourquoi Tacos ?
J’étais jeune quand j’ai choisi ce nom et je ne le prenais pas vraiment au sérieux. Mais je l’ai gardé, je me suis rendu compte que la plupart des blases étaient assez agressifs, le mouvement se revendique comme étant offensif. Finalement, c’est devenu sérieux. J’aime beaucoup le contraste entre un wild style bien agressif et un blase ridicule.
Pourquoi faire des lettrages chinois ?
Je fais partie d’une des dernières générations de graffeurs et je suis passionné par tout ce qui a été fait dans le Graffiti. Je me suis vite perdu entre vouloir faire pareil et trouver mon propre truc. Au final, j’en ai eu marre des codes et je m’en suis progressivement éloigné pour me diriger vers quelque chose de plus graphique. En faisant des études de graphisme après mon bac, je me suis intéressé aux règles strictes de la typographie, de la mise en page, du logotype… Des règles qui vont souvent à l’encontre du Graffiti classique. J’ai aussi un faible pour la Chine et sa culture. Les caractères chinois traités de manière graphique ou dans le Graffiti me fascinent.
Pourquoi les graffeurs utilisent principalement l’alphabet latin ?
Le Graffiti est issu du hip-hop qui vient d’un pays qui utilise l’alphabet latin. Dès son origine, il s’est développé dans des pays qui utilisent les lettres latines. Même les graffeurs qui viennent d’un pays où l’alphabet est différent ont tendance à les utiliser, pour être reconnu internationalement et pour faire comme les autres.
Connais-tu des graffeurs qui utilisent d’autres alphabets ?
J’en connais peu. Mais de plus en plus de gens expérimentent en apportant une touche asiatique à leurs compos.
Quelles sont les possibilités des autres alphabets ?
Le potentiel est énorme. Le Graffiti peut prendre une nouvelle direction. Les autres alphabets sont riches, parfois plus que le notre qui ne comporte que vingt-six lettres. Les graffeurs doivent oser utiliser d’autres alphabets. Surtout si c’est le leur et que les anciens ne l’ont pas beaucoup fait.
Penses-tu que ça va arriver ?
C’est sûr. Le graffiti prend de plus en plus de nouvelles directions. A voir l’enthousiasme suscité, je suis prêt a parier que ce n’est que le début. Encore une fois, le potentiel est juste énorme.
Comment ton style a-t-il évolué ?
Je viens d’une génération influencée par des styles futuristes et des productions très propres. C’était compliqué de ses différencier dans une pratique déjà mature. Après l’obtention de mon baccalauréat à Shanghai, je suis venu étudier à Paris où j’ai eu la chance de rencontrer et de peindre avec ceux qui m’ont influencé plus jeune. J’ai énormément progressé à leur contact et je me suis laissé charmer par une approche du Graffiti qui consiste à casser les codes et à le remettre en question.
Quelles sont tes influences ?
Il y en a beaucoup, elles ont changé au cours des années. La liste serait trop longue. Aujourd’hui, j’apprécie le travail de Petro, Gary, Satone et Epok, pour en nommer quelques uns.
Que souhaites-tu transmettre ?
Dans mes pièces graphiques, j’essaie de repousser les limites en étant parfaitement droit et propre, parfois en utilisant du scotch. Mais jamais de pochoir ni de projecteur, histoire d’avoir un rendu quasi digital. Le procédé est mathématique, le résultat est très satisfaisant et complètement inattendu pour du Graffiti.
Comment choisis-tu tes couleurs ?
J’aime beaucoup les couleurs pastel, éteintes et ternes pour les relever avec quelque chose de plus saturé. J’essaie d’être le plus minimaliste possible, non pas en équilibrant les couleurs mais en les plaçant de manière inattendue. J’aime aussi beaucoup faire des pièces monochromes. Le contraste est très important, j’utilise beaucoup de noir et de blanc.
Que fais-tu quand tu ne peins pas ?
Je viens juste d’avoir mon diplôme, je suis en période de transition. Ma vie professionnelle va bientôt commencer. J’ai récemment peint quelques toiles que j’aimerais éventuellement approfondir quand j’aurais plus de temps et un atelier.
Comment vois-tu ton style dans deux ans ?
J’espère approfondir la combinaison entre Graffiti, graphisme et culture chinoise, tout en essayant de ne pas m’éloigner de certains codes du graffiti. Si ça se trouve, je ferai quelque chose de totalement différent.
Quelle est la signification de tes graffs en chinois ?
Au début, j’écrivais 大麻鬼 qui signifie démon du chanvre. C’est un clin d’œil à une expression chinoise 酒鬼, qui signifie démon de l’alcool. C’est aussi une expression pour nommer les alcooliques. Pour expérimenter, je suis mis à écrire d’autre mots ou des phrases, plus ou moins liés à mon blase ou à mon lifestyle. Par exemple 鳄梨酱 qui signifie guacamole. Aujourd’hui, j’écris tout simplement Tacos, qui s’écrit comme ça : 塔可饼