Un R retourné, ça vous parle ? C’est l’emblème iconique de Mecro, le roi du fret aux USA ! Une scène qui reste à vrai dire peu connue en Europe. Mais s’il y en a un dont la renommée a atteint le Vieux Continent c’est bien Mecro de Philadelphie.
Ses pièces simples et puissantes sont devenues sa marque de fabrique, et il les décline en quantité industrielle. L’équipe de Tramontana l’a rencontré pour lui poser quelques questions.
Quand est-ce qu’un graffeur aux USA commence à taper des frets ?
Probablement trop tôt vu mes premières pièces. Mais tout le monde devrait commencer après avoir appris qui est qui et qui fait quoi dans ce game.
Le graffiti sur fret est-il différent du reste ?
Quand je pense à un « graffeur de frets » il y a quelques trucs qui me viennent à l’esprit. D’abord la taille de la pièce, tous ceux qui peignent des frets savent à quel point les graffs sont gros. La plupart des freight writers adaptent leur style au wagon car il faut peindre plus grand systématiquement. C’est différent de quelqu’un qui va taguer ou peindre un plan tranquille. L’échelle de taille ne se voit pas sur la majorité des photos et c’est ce qui impressionne le plus les gens quand ils voient la pièce rouler en vrai. Le deuxième truc est que le support est coupé en bas, les gars tournent ça à leur avantage en créant des compos qui reposent sur la bas du wagon au lieu de flotter de manière cheloue comme sur un mur.
Penses-tu que la scène fret aux Etats-Unis est différente du reste du monde ? Par exemple de celle du Mexique.
Il y a des types au USA qui ne font que des flops sur les frets et d’autres au Mexique qui vont lâcher des prods complètes, et vice versa. Comme les trains traversent les frontières on s’influence réciproquement. En temps que graffeur américain j’ai l’impression qu’il y a une tradition très forte autour de ce qui est bien vu et ce qu’il ne faut pas faire dans la culture du rail. C’est important de préserver l’histoire des graffeurs et des streakers qui étaient là avant nous tout en restant originaux et avec un bon ration quantité/qualité. C’est mon avis perso.
Une des grosses motivations, c’est que les pièces vont être vues par beaucoup de monde car elles voyagent. Tu as des retours là dessus ?
C’est LA plus grosse motivation en ce qui concerne une reconnaissance à plus grande échelle. Avec mes potes de crew, on était au courant de ça très tôt. Il y a aussi le fait que ton taf part le lendemain et va faire le tour de l’Amérique du Nord pendant les 10-15 prochaines années. La longévité de la pièce est donc aussi à prendre en compte, car la quantité de tes pièces va s’accumuler au fil des ans. Il faut se maintenir au niveau car tu ne peux pas tricher sur le nombre de tes prods. La motivation et l’éthique de travail d’un graffeur de frets se juge au fil des ans.
Dans le livre du CDC Crew, Create Destroy Conquer, il y a un passage sur les blessures des gars. Quelles-sont les pires conséquences du graff sur fret ?
La mort. Je sais que ça fait grandiloquent mais c’est la vérité. Certains dépôts sont en activité et donc très dangereux. La pression sur la vie sociale et familiale, les grosses amendes, la prison et avoir un casier vont affecter ta carrière et comment tu décides de la poursuivre. J’essaie de ne plus penser à ces aspects négatifs pour me concentrer sur le positif.
Parlons de ton style. Tu es un des rares qui se focalise sur la typo avec des effets réalistes. Pourquoi avoir pris cette direction ?
A mes débuts en 2006, j’hésitais à me lancer dans les lettrages graff traditionnels. Je me sentais plus à l’aise avec des polices de caractères et des lettres-bâtons. De plus, j’aimais le style du mot MECRO tout en capitales. Cela me semblait un plus gros défi de rentrer de grosses lettres proportionnées car la moindre erreur se voit. J’aimais ce challenge qui laisse beaucoup de place à l’amélioration. J’ai fait une liste de typos que j’avais envie de faire et à cela s’est rapidement rajoutée une liste d’effets et de textures. J’ai bloqué sur les embossages pendant un moment car c’est un moyen simple de rendre une typo impactante et colorée. Ces derniers temps je revisite des lettrages et des textures plus anciens en leur donnant un coup de boost.
Tes influences viennent des frets ou des murs ?
Je puise mon inspiration à partir de nombreuses sources : le sign painting, les enseignes au néon, les typos de marques, la nature… J’ai très vite été très critique vis-à-vis de ce qui allait fonctionner pour sortir du lot en tant que graffeur. Dans mes inspirations des débuts on compte des writers tels que Tre, Nekst, Revs, Ich, Jase, Reader, Skrew, pour n’en citer que quelques uns. Ces types semblaient toucher des gens qui n’y connaissaient rien au graff. Je voulais atteindre le même objectif.
Il y a t-il un moment idéal pour arrêter de peindre ?
Je continuerai à peindre tant que je trouverai ça amusant et que ça vaudra le coup. Quand ça devient une corvée – ça a déjà été le cas parfois – c’est le moment d’arrêter ou du moins de faire une pause. Ces derniers temps je me concentre sur mon travail artistique en studio, mais je continue à faire des panels. Mon Graffiti et mon Art ont changé de vitesse avec les années. Là dans les dépôts je fais des trucs plus simples comme ça je continue à kiffer mes virées la nuit comme le jour. D’un autre coté je me sens encore plus poussé à produire des œuvres d’art de qualité et originales. Mon but est de pousser mon graff et mon art aussi loin que je le peux et voir ce qui en découle.
Pour conclure, petit flashback sur la bombe en édition limitée de Mecro, très cool mais introuvable :
Plus de photos de Mecro ici.
Interview : Tramontana Magazine