Graffiti et interventions urbaines font-ils bon ménage ? Depuis 2016, Rocco & ses frères repoussent les limites en menant des actions politiques régulièrement reprises par les médias en quête de sensationnel insolite.
Passionnés par les trains et les métros et rôdés par leur expérience du graffiti, les membres du collectif allemand mettent à profit leur connaissance du réseau pour réaliser différents types d’interventions dans l’enceinte du métro de Berlin.
Le graffiti ne touche pas assez les gens. On voulait interagir avec eux, leur montrer plus de choses et les faire réfléchir davantage. On était tous très engagés politiquement, alors la suite logique, c’était de s’éloigner des mots.
le street art ou le guerilla art art réalisés de manière illégale dans la rue ou dans la ville ne rentrent pas dans un musée comme un tableau dans une galerie. Ça ne marche pas.
Pour leur première action médiatique en 2016, Rocco & ses frères aménagent une chambre clandestine dans un espace abandonné du métro de Berlin – ce qui n’est pas sans rappeler les interventions de Farewell dans le métro parisien, lui-même inspiré par une installation de Adams & Itso à Copenhague. Après avoir envoyé anonymement les photos de l’installation à différents tabloïds, c’est l’emballement médiatique. S’agit-il d’un refuge pour les sans-abri ? D’un logement pour les réfugiés ?
L’installation en soi portait un message. Mais tout le bazar que ça a généré est dû à un contexte particulier. On a joué sur la soif médiatique qu’il y a en chacun de nous. Il a suffi d’envoyer des photos à la presse en se faisant passer pour un employé des transports.
L’info a été reprise sans trop de recherches et a été publiée quelques heures plus tard. Ça aurait été très facile de faire des recherches sur les entreprises qui étaient citées ou de comparer les photos, mais ils n’ont pas creusé. Ça a été relayé dans le monde entier. Ça a fait le tour du monde en un éclair. Il leur a fallu plusieurs semaines pour comprendre qu’il pouvait s’agir d’une supercherie. L’important, ce ne sont pas ceux qui nous ont publié, mais plutôt ceux qui nous ont lu. Il faut regarder les commentaires sous les articles. « Il faut pendre tous ces vandales », « encore un centre pour réfugiés ». Ce n’étaient pas des commentaires sérieux, mais c’était facile à gober. Ça nous a montré qu’on avait ouvert une voie intéressante. On a pu entendre, à travers ce porte-voix, les idées majoritairement répandues dans notre société.
Fin 2016, nouvelle action choc du collectif dans le métro. Cette fois, ils s’introduisent dans un wagon et y installent une trentaine de caméras de surveillance factices pour questionner l’omniprésence de la vidéosurveillance dans les transports publics.
Ça ne s’arrête jamais. Il y a de nouvelles caméras tous les jours. Une caméra en observe une autre, qui en observe deux autres. C’est une démesure inédite qui n’arrête pas de se développer. Le plus triste, c’est que les gens l’ont accepté. Ils l’ont accepté et se laissent filmer. Ça va toujours plus loin.
Pour cette autre œuvre intitulée Xchange, équipé d’un chalumeau, le collectif a tout simplement découpé une tranche d’un tunnel de métro, rails, traverses et ballast compris, pour l’exposer en galerie en 2017.
Il ne s’agit pas d’accrocher un tableau sur un mur mais de mettre un corps étranger avec une forme bizarre dans un espace qui n’est pas fait pour lui, on joue avec ce décalage dans la rue quand on enlève ou qu’on ajoute quelque chose qu’on n’a pas le droit de bouger, le lieu prend une toute nouvelle dimension artistique.