Site, 19 ans, nous a quitté en Décembre 2018. Sur les trains et les murs de la région bordelaise, impossible de passer à côté de ses pièces. Polyvalent, il multipliait les alias : Oui, Atoi, Okos, Jokos… Qu’importe la Fame, seule l’aventure et les rencontres comptaient pour ce jeune talent originaire d’Angoulême, parti bien trop tôt.
Kegrea évoque son parcours.
Je n’oublierai jamais ce dimanche 9 Décembre, Étienne vient de récupérer sa nouvelle bécane la veille. Il décide d’aller faire un tour pour la montrer à ses potes. Quarante cinq minutes plus tard, un jeune de 18 ans lui grille la priorité. Il décède dans le camion de pompiers sur le chemin de l’hôpital.
Je l’ai rencontré il y a trois ans sur les réseaux sociaux. Il m’avait contacté pour échanger et peut-être peindre ensemble. J’ai tout de suite accroché avec lui. Malgré son jeune âge, il était assez mature tout en étant un grand rêveur.
Étienne était peintre en bâtiment, passionné de moto mais surtout de Graffiti. Il vivait pour la peinture. De nature assez solitaire, il était d’un tempérament calme et timide. D’une rare gentillesse reconnue de tous. Je pense que je ne l’ai jamais entendu dire du mal de quelqu’un. Il était très mystérieux et vivait dans le monde qu’il se créait chaque jour.
Il se met à peindre très jeune, vers 12/13 ans au contact des plus anciens et de divers ateliers de Graffiti. Il passait énormément de temps à se balader pour peindre et faire des photos. Il m’impressionnait par sa détermination, il se retrouvait souvent dans des situations périlleuses en solitaire. Quand certains jeunes attendent qu’on leur paye des bails ou qu’on les traîne sur des plans pour balancer des story Instagram, lui n’avait besoin de personne pour aller au charbon.
Il n’avait pas vraiment de support de prédilection, il peignait tout, tout le temps. Trains, frets, terrains, rocade, voies ferrées… Il était d’une polyvalence déconcertante avec un style très marqué et mature pour son âge. Au final, il avait quasiment sept ans de Graffiti dans les pattes, un jeune ancien. On a beaucoup bougé ensemble pour trouver des spots abandonnés.
Il me racontait qu’il avait fait son premier panel quand il avait 14 ans, tout seul, avec son 50 Cross et qu’il en faisait de temps en temps, car il kiffait vraiment le support.
Il m’a dit quelque chose que je n’ai quasiment jamais entendu dans le panel game de la part d’un jeune. Un jour, je lui demande si je peux voir ses photos, il me répond :
« Je n’en prends pas. »
« Tu ne prends aucun panel en photo ? »
« Non, car si les flics font une perquisition, ils ne trouveront jamais rien. »
A ce moment là, je suis me dit que je venais de tomber sur une pépite.
Quelques années plus tard, après avoir goûté aux ambiances peintures à quai et les belles lumières, il appréciait de faire de jolie photos, car il adorait les ambiances.
Très vigilant, Étienne avait de multiples blazes. Pour se protéger et surtout parce que la Fame ne l’intéressait pas plus que ça. Il voulait juste peindre et laisser sa trace.
Si bien qu’il y a des spots sur la rocade ou sur les voies ferrées avec plusieurs de ses blazes, peint à des moments différents. C’était aux gens de deviner. Il ne montrait quasiment jamais rien, même les terrains.
Un jour, il a dit à sa mère :
« Je dessine des choses que les gens ne comprennent pas, mais pour moi elles ont un sens. »
Une vraie tête d’innocent avec un cœur de guerrier et une motivation d’acier. Ce gamin est une étoile filante du Graffiti et tous ses potes vont faire en sorte qu’elle brille longtemps.
Repose en paix Étienne.
Depuis sa disparition, les hommages se multiplient.